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SANS FAMILLE

il fallait jouer toujours ; Bob et ses camarades ne se lassant point de faire leurs tours, de notre côté nous ne pouvions pas nous lasser plus qu’eux. Quand vint le soir je crus que nous allions nous reposer ; mais nous abandonnâmes notre tente pour un grand cabaret en planches et là, exercices et musique reprirent de plus belle. Cela dura ainsi jusqu’après minuit ; je faisais encore un certain tapage avec ma harpe, mais je ne savais plus trop ce que je jouais et Mattia ne le savait pas mieux que moi. Vingt fois Bob avait annoncé que c’était la dernière représentation, et vingt fois nous en avions recommencé une nouvelle.

Si nous étions las, nos camarades qui dépensaient beaucoup plus de forces que nous étaient exténués, aussi avaient-ils déjà manqué plus d’un de leurs tours ; à un moment une grande perche qui servait à leurs exercices tomba sur le bout du pied de Mattia ; la douleur fut si vive, que Mattia poussa un cri ; je crus qu’il avait le pied écrasé, et nous nous empressâmes autour de lui, Bob et moi. Heureusement la blessure n’avait pas cette gravité ; il y avait contusion, et les chairs étaient déchirées, mais les os n’étaient pas brisés. Cependant Mattia ne pouvait pas marcher.

Que faire ?

Il fut décidé qu’il resterait à coucher dans la voiture de Bob, et que moi je gagnerais tout seul l’auberge du Gros-Chêne ; ne fallait-il pas que je susse où la famille Driscoll se rendait le lendemain ?

— Ne t’en va pas, me répétait Mattia, nous partirons ensemble demain.