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Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 2.djvu/358

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SANS FAMILLE

cent ; à mon accent, à mon regard, il aurait dû voir que je n’étais pas coupable.

Si je ne l’avais convaincu, me serait-il possible de convaincre le juge ? heureusement j’aurais des témoins qui parleraient pour moi ; et si le juge ne m’écoutait pas, au moins serait-il obligé d’écouter et de croire les témoignages qui m’innocenteraient.

Mais il me fallait ces témoignages.

Les aurais-je ?

Parmi les histoires de prisonniers que je savais, il y en avait une qui parlait des moyens qu’on employait pour communiquer avec ceux qui étaient enfermés : on cachait des billets dans la nourriture qu’on apportait du dehors.

Peut-être Mattia et Bob s’étaient-ils servis de cette ruse, et quand cette idée m’eut traversé l’esprit, je me mis à émietter mon pain, mais je ne trouvai rien dedans. Avec ce morceau de pain on m’avait apporté des pommes de terre, je les réduisis en farine ; elles ne contenaient pas le plus petit billet.

Décidément Mattia et Bob n’avaient rien à me dire, ou, ce qui était plus probable, ils ne pouvaient rien me dire.

Je n’avais donc qu’à attendre le lendemain, sans trop me désoler, si c’était possible ; mais par malheur cela ne me fut pas possible, et si vieux que je vive, je garderai, comme s’il datait d’hier, le souvenir de la terrible nuit que je passai. Ah ! comme j’avais été fou de ne pas avoir foi dans les pressentiments de Mattia et dans ses peurs !

Le lendemain matin le geôlier entra dans ma prison