Aller au contenu

Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 2.djvu/385

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
377
SANS FAMILLE

C’était là une gracieuse proposition, mais que nous n’avions aucune envie d’accepter, ayant chacun nos raisons, Mattia et moi, pour ne pas traverser la mer de sitôt.

Nous débarquions en France, n’ayant que nos vêtements et nos instruments, — Mattia ayant eu soin de prendre ma harpe, que j’avais laissée dans la tente de Bob, la nuit où j’avais été à l’auberge du Gros-Chêne ; — quant à nos sacs, ils étaient restés avec leur contenu dans les voitures de la famille Driscoll ; cela nous mettait dans un certain embarras, car nous ne pouvions pas reprendre notre vie errante sans chemises et sans bas, surtout sans carte. Par bonheur, Mattia avait douze francs d’économies et en plus notre part de recette provenant de notre association avec Bob et ses camarades, laquelle s’élevait à vingt-deux shillings, ou vingt-sept francs cinquante ; cela nous constituait une fortune de près de quarante francs, ce qui était considérable pour nous. Mattia avait voulu donner cet argent à Bob pour subvenir aux frais de mon évasion, mais Bob avait répondu qu’on ne se fait pas payer les services qu’on rend par amitié, et il n’avait voulu rien recevoir.

Notre première occupation, en sortant de l’Éclipse, fut donc de chercher un vieux sac de soldat et d’acheter ensuite deux chemises, deux paires de bas, un morceau de savon, un peigne, du fil, des boutons, des aiguilles, et enfin ce qui nous était plus indispensable encore que ces objets, si utiles cependant, — une carte de France.

En effet, où aller maintenant que nous étions en