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SANS FAMILLE

si nous ne le trouvons pas sur la Seine, nous le chercherons sur la Loire, sur la Garonne, sur toutes les rivières de France et nous finirons bien par le trouver.

Je n’avais pas d’objections à présenter contre l’idée de Mattia ; il fut donc décidé que nous gagnerions le cours de la Seine pour le côtoyer en le remontant.

Après avoir pensé à nous, il était temps de nous occuper de Capi ; teint en jaune, Capi n’était pas pour moi Capi ; nous achetâmes du savon mou, et à la première rivière que nous trouvâmes, nous le frottâmes vigoureusement, nous relayant quand nous étions fatigués.

Mais la teinture de notre ami Bob était d’excellente qualité ; il nous fallut de nombreuses baignades, de longs savonnages ; il nous fallut surtout des semaines et des mois pour que Capi reprît sa couleur native. Heureusement la Normandie est le pays de l’eau, et chaque jour nous pûmes le laver.

Par Bayeux, Caen, Pont-l’Évêque et Pont-Audemer, nous gagnâmes la Seine à La Bouille.

Quand du haut de collines boisées et au détour d’un chemin ombreux, dont nous débouchâmes après une journée de marche, Mattia aperçut tout à coup devant lui la Seine, décrivant une large courbe au centre de laquelle nous nous trouvions, et promenant doucement ses eaux calmes et puissantes, couvertes de navires aux blanches voiles et de bateaux à vapeur, dont la fumée montait jusqu’à nous, il déclara que cette vue le réconciliait avec l’eau, et qu’il comprenait qu’on pouvait prendre plaisir à glisser sur cette tranquille rivière, au milieu de ces fraîches prairies, de