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Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 2.djvu/390

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SANS FAMILLE

pas trace de leur passage, nous devions aller jusqu’à Paris, ou plutôt au delà de Paris.

Comme nous ne marchions pas seulement pour avancer, mais qu’il nous fallait encore gagner chaque jour notre pain, il nous fallut cinq semaines pour aller d’Isigny à Charenton.

Là une question se présentait : devions-nous suivre la Seine ou bien devions-nous suivre la Marne ? C’était ce que je m’étais demandé bien souvent en étudiant ma carte, mais sans trouver de meilleures raisons pour une route plutôt que pour une autre.

Heureusement en arrivant à Charenton, nous n’eûmes pas à balancer, car à nos demandes on répondit pour la première fois qu’on avait vu un bateau qui ressemblait au Cygne ; c’était un bateau de plaisance, il avait une verandah.

Mattia fut si joyeux qu’il se mit à danser sur le quai : puis tout à coup, cessant de danser, il prit son violon et joua frénétiquement une marche triomphale.

Pendant ce temps, je continuais d’interroger le marinier qui avait bien voulu nous répondre : le doute n’était pas possible, c’était bien le Cygne ; il y avait environ deux mois qu’il avait passé à Charenton, remontant la Seine.

Deux mois ! Cela lui donnait une terrible avance sur nous. Mais qu’importait ! En marchant nous finirions toujours par le rejoindre, bien que nous n’eussions que nos jambes, tandis que lui il avait celles de deux bons chevaux.

La question de temps n’était rien : le fait capital,