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Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 2.djvu/403

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SANS FAMILLE

serpentant autour de pelouses plantées çà et là de massifs d’arbustes et de fleurs ; puis cachée dans la verdure s’élevait une maison luxueuse ou une élégante maisonnette enguirlandée de plantes grimpantes ; et presque toutes, maisons comme maisonnettes, avaient à travers les massifs d’arbres ou d’arbustes des points de vue habilement ménagés sur le lac éblouissant et son cadre de sombres montagnes.

Ces jardins faisaient souvent notre désespoir, car nous tenant à distance des maisons, ils nous empêchaient d’être entendus de ceux qui se trouvaient dans ces maisons, si nous ne jouions pas et si nous ne chantions pas de toutes nos forces, ce qui, à la longue, et répété du matin au soir, devenait fatigant.

Une après-midi nous donnions ainsi un concert en pleine rue n’ayant devant nous qu’une grille pour laquelle nous chantions, et derrière nous qu’un mur dont nous ne prenions pas souci ; j’avais chanté à tue-tête la première strophe de ma chanson napolitaine et j’allais commencer la seconde, quand tout à coup nous l’entendîmes chanter derrière nous au delà de ce mur, mais faiblement et avec une voix étrange :

Vorria arreventare no piccinotto,
Cona lancella oghi vennenno acqua.

Quelle pouvait être cette voix ?

— Arthur ? demanda Mattia.

Mais non, ce n’était pas Arthur, je ne reconnaissais pas sa voix ; et cependant Capi poussait des soupirs étouffés et donnait tous les signes d’une joie vive en sautant contre le mur.