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SANS FAMILLE

Incapable de me contenir, je m’écriai :

— Qui chante ainsi ?

Et la voix répondit :

— Rémi !

Mon nom au lieu d’une réponse. Nous nous regardâmes interdits, Mattia et moi.

Comme nous restions ainsi stupides en face l’un de l’autre, j’aperçus derrière Mattia, au bout du mur et par-dessus une haie basse, un mouchoir blanc qui voltigeait au vent ; nous courûmes de ce côté.

Ce fut seulement en arrivant à cette haie que nous pûmes voir la personne à laquelle appartenait le bras qui agitait ce mouchoir, — Lise !

Enfin nous l’avions retrouvée, et avec elle madame Milligan et Arthur.

Mais qui avait chanté ? Ce fut la question que nous lui adressâmes en même temps, Mattia et moi, aussitôt que nous pûmes trouver une parole.

— Moi, dit-elle.

Lise chantait ! Lise parlait !

Il est vrai que j’avais mille fois entendu dire que Lise recouvrerait la parole un jour, et très-probablement sous la secousse d’une violente émotion, mais je n’aurais pas cru que cela fût possible.

Et voilà cependant que cela s’était réalisé ; voilà qu’elle parlait ; voilà que le miracle s’était accompli ; et c’était en m’entendant chanter, en me voyant revenir près d’elle, alors qu’elle pouvait me croire perdu à jamais, qu’elle avait éprouvé cette violente émotion.

À cette pensée, je fus moi-même si fortement se-