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SANS FAMILLE

thur, et vous devez, dès aujourd’hui, abandonner, vous et votre jeune ami, votre misérable existence ; dans deux heures vous vous présenterez donc à Territet, à l’hôtel des Alpes où je vais envoyer une personne sûre, vous retenir votre logement ; ce sera là que nous nous reverrons, car je suis obligée de vous quitter.

De nouveau elle m’embrassa et après avoir donné la main à Mattia, elle s’éloigna rapidement.

— Qu’as-tu donc raconté à madame Milligan ? demandai-je à Mattia.

— Tout ce qu’elle vient de te dire et encore beaucoup d’autres choses, ah ! la bonne dame ! la belle dame !

— Et Arthur, l’as-tu vu ?

— De loin seulement, mais assez pour trouver qu’il a l’air d’un bon garçon.

Je continuai d’interroger Mattia, mais il évita de me répondre, ou il ne le fit que d’une façon détournée ; alors nous parlâmes de choses indifférentes jusqu’au moment où, selon la recommandation de madame Milligan, nous nous présentâmes à l’hôtel des Alpes. Quoique nous eussions notre misérable costume de musiciens des rues, nous fûmes reçus par un domestique en habit noir et en cravate blanche qui nous conduisit à notre appartement : comme elle nous parut belle, notre chambre ; elle avait deux lits blancs ; les fenêtres ouvraient sur une verandah suspendue au-dessus du lac, et la vue qu’on embrassait de là était une merveille : quand nous nous décidâmes à revenir dans la chambre, le domestique était toujours