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Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 2.djvu/419

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SANS FAMILLE

applaudissements dont elle est l’écho ; mais ne l’ai-je-pas réellement ? Mattia n’est-il pas un autre moi-même, mon camarade, mon ami, mon frère ? ses triomphes sont les miens, comme mon bonheur est le sien.

À ce moment, un domestique me remet une dépêche télégraphique qu’on vient d’apporter :

« C’est peut-être la traversée la plus courte, mais ce n’est pas la plus agréable ; en est-il d’agréable, d’ailleurs ? Quoi qu’il en soit, j’ai été si malade que c’est à Red-Hill seulement que je trouve la force de te prévenir ; j’ai pris Cristina en passant à Paris ; nous arriverons à Chegford à quatre heures dix minutes, envoie une voiture au-devant de nous.

« Mattia. »

En parlant de Cristina, j’avais regardé Arthur, mais il avait détourné les yeux ; ce fut seulement quand je fus arrivé à la fin de la dépêche qu’il les releva.

— J’ai envie d’aller moi-même à Chegford, dit-il, je vais faire atteler le landau.

— C’est une excellente idée ; tu seras ainsi au retour vis-à-vis de Cristina.

Sans répondre, il sortit vivement ; alors je me tournai vers ma mère.

— Vous voyez, lui dis-je, qu’Arthur ne cache pas son empressement ; cela est significatif.

— Très-significatif.

Il me sembla qu’il y avait dans le ton de ces deux mots comme une nuance de mécontentement ; alors, me levant, je vins m’asseoir près de ma mère, et, lui prenant les deux mains que je baisai :