Page:Malot - Sans famille, 1902.djvu/144

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais avant de répondre, mère Barberin regarda Mattia comme si elle n’osait parler devant lui.

– Oh ! tu peux parler devant Mattia, dis-je, je t’ai expliqué qu’il était un frère pour moi, tout ce qui m’intéresse l’intéresse aussi.

– C’est que cela est assez long à expliquer, dit-elle.

Je vis qu’elle avait de la répugnance à parler, et ne voulant pas la presser devant Mattia de peur qu’elle refusât, ce qui, me semblait-il, devait peiner celui-ci, je décidai d’attendre pour savoir ce que Barberin était allé faire à Paris.

– Barberin doit-il revenir bientôt ? demandai-je.

– Oh ! non, bien sûr.

– Alors rien ne presse, occupons-nous des crêpes, tu me diras plus tard ce qu’il y a d’intéressant pour moi dans ce voyage de Barberin à Paris ; puisqu’il n’y a pas à craindre qu’il revienne fricasser ses oignons dans notre poêle, nous avons tout le temps à nous. As-tu des œufs ?

– Non, je n’ai plus de poules.

– Nous ne t’avons pas apporté d’œufs parce que nous avions peur de les casser. Ne peux-tu pas aller en emprunter ?

Elle parut embarrassée et je compris qu’elle avait peut-être emprunté trop souvent pour emprunter encore.

– Il vaut mieux que j’aille en acheter moi-même, dis-je, pendant ce temps tu prépareras la pâte avec le lait ; j’en trouverai chez Soquet, n’est-ce pas ? J’y cours. Dis à Mattia de casser ta bourrée, il casse très bien le bois, Mattia.