Page:Malot - Sans famille, 1902.djvu/143

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– Et quel bon lait, dit Mattia, il sent la fleur d’oranger.

Mère Barberin regarda Mattia avec curiosité, se demandant bien manifestement ce que c’était que la fleur d’oranger.

– C’est une bonne chose qu’on boit à l’hôpital quand on est malade, dit Mattia qui aimait à ne pas garder ses connaissances pour lui tout seul.

La vache traite on la lâcha dans la cour pour qu’elle pût paître, et nous rentrâmes à la maison où, en venant chercher le seau, j’avais préparé sur la table, en belle place, notre beurre et notre farine.

Quand mère Barberin aperçut cette nouvelle surprise elle recommença ses exclamations, mais je crus que la franchise m’obligeait à les interrompre :

– Celle-là, dis-je, est pour nous au moins autant que pour toi ; nous mourons de faim et nous avons envie de manger des crêpes ; te rappelles-tu comment nous avons été interrompus le dernier mardi-gras que j’ai passé ici, et comment le beurre que tu avais emprunté pour me faire des crêpes a servi à fricasser des oignons dans la poêle : cette fois, nous ne serons pas dérangés.

– Tu sais donc que Barberin est à Paris ? demanda mère Barberin.

– Oui.

– Et sais-tu aussi ce qu’il est allé faire à Paris ?

– Non.

– Cela a de l’intérêt pour toi.

– Pour moi ? dis-je effrayé.