Page:Malot - Sans famille, 1902.djvu/161

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

son côté, Capi allait donner des représentations sous la direction d’Allen et de Ned ; mais un soir, mon père me dit que le lendemain je pourrais prendre Capi avec moi, attendu qu’il garderait Allen et Ned à la maison.

Cela nous fît grand plaisir et nous nous promîmes bien, Mattia et moi, de faire une assez belle recette avec Capi, pour que désormais on nous le donnât toujours ; il s’agissait de reconquérir Capi, et nous ne nous épargnerions ni l’un ni l’autre.

Nous lui fîmes donc subir une sévère toilette le matin et, après déjeuner, nous nous mîmes en route pour le quartier où l’expérience nous avait appris "que l’honorable société mettait le plus facilement la main à la poche." Pour cela il nous fallait traverser Londres de l’est à l’ouest par Old street, Holborn et Oxford street.

Par malheur pour le succès de notre entreprise, depuis deux jours le brouillard ne s’était pas éclairci ; le ciel, ou ce qui tient lieu de ciel à Londres, était un nuage de vapeurs orangées, et dans les rues flottait une sorte de fumée grisâtre qui ne permettait à la vue de s’étendre qu’à quelques pas : on sortirait peu, et des fenêtres derrière lesquelles on nous écouterait, on ne verrait guère Capi ; c’était là une fâcheuse condition pour notre recette ; aussi Mattia injuriait-il le brouillard, ce maudit fog sans se douter du service qu’il devait nous rendre à tous les trois quelques instants plus tard.

Cheminant rapidement, en tenant Capi sur nos