Page:Malot - Sans famille, 1902.djvu/163

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– Rentrons à la maison, dis-je à Mattia, et tiens Capi en laisse.

Mattia ne me dit pas un mot et nous rentrâmes cour du Lion-Rouge en marchant rapidement. Le père, la mère et les enfants étaient autour de la table occupés à plier des étoffes : je jetai la paire de bas sur la table, ce qui fit rire Allen et Ned.

– Voici une paire de bas, dis-je, que Capi vient de voler, car on a fait de Capi un voleur : je pense que ç’a été pour jouer.

Je tremblais en parlant ainsi, et cependant je ne m’étais jamais senti aussi résolu.

– Et si ce n’était pas un jeu, demanda mon père, que ferais-tu, je te prie ?

– J’attacherais une corde au cou de Capi, et quoique je l’aime bien, j’irais le noyer dans la Tamise : je ne veux pas que Capi devienne un voleur, pas plus que moi-même ; si je pensais que cela doive arriver jamais, j’irais me noyer avec lui tout de suite.

Mon père me regarda en face et il fit un geste de colère comme pour m’assommer ; ses yeux me brûlèrent ; cependant je ne baissai pas les miens ; peu à peu son visage contracté se détendit.

– Tu as eu raison de croire que c’était un jeu, dit-il ; aussi pour que cela ne se reproduise plus, Capi désormais ne sortira qu’avec toi.