Page:Malot - Sans famille, 1902.djvu/22

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— Ah ! mon Dieu ! s’écria mère Barberin en joignant les mains, un malheur est arrivé à Jérôme.

— Eh bien, oui, mais il ne faut pas vous rendre malade de peur ; votre homme a été blessé voilà la vérité ; seulement il n’est pas mort. Pourtant il sera peut-être estropié. Pour le moment il est à l’hôpital. J’ai été son voisin de lit, et comme je rentrais au pays il m’a demandé de vous conter la chose en passant.

Et tout en séchant les jambes de son pantalon qui devenait raide sous leur enduit de boue durcie, il répétait ce mot : "pas de chance" avec une peine sincère, qui montrait que pour lui, il se fût fait volontiers estropier dans l’espérance de gagner ainsi de bonnes rentes.

— Pourtant, dit-il en terminant son récit, je lui ai donné le conseil de faire un procès à l’entrepreneur.

— Un procès, cela coûte gros.

— Oui, mais quand on le gagne !

Mère Barberin aurait voulu aller à Paris, seulement c’était une terrible affaire qu’un voyage si long et si coûteux.

Le lendemain matin nous descendîmes au village pour consulter le curé. Celui-ci ne voulut pas la laisser partir sans savoir avant si elle pouvait être utile à son mari. Il écrivit à l’aumônier de l’hôpital où Barberin était soigné, et quelques jours après il reçut une réponse, disant que mère Barberin ne devait pas se mettre en route, mais qu’elle devait envoyer