Page:Malot - Sans famille, 1902.djvu/52

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dans ma comédie ? Celui d’un jeune paysan qui n’a rien vu et qui ne sait rien ; il arrive chez un singe et il se trouve plus ignorant et plus maladroit que ce singe ; de là mon sous-titre : "le plus bête des deux n’est pas celui qu’on pense" ; plus bête que Joli-Cœur, voilà ton rôle ; pour le jouer dans la perfection, tu n’aurais qu’à rester ce que tu es en ce moment, mais comme cela est impossible, tu devras te rappeler ce que tu as été et devenir artistiquement ce que tu ne seras plus naturellement.

Le Domestique de M. Joli-Cœur n’était pas une grande comédie, et sa représentation ne prenait pas plus de vingt minutes. Mais notre répétition dura près de trois heures ; Vitalis nous faisant recommencer deux fois, quatre fois, dix fois la même chose, aux chiens comme à moi.

Ceux-ci, en effet, avaient oublié certaines parties de leur rôle, et il fallait les leur apprendre de nouveau.

– Eh bien, me dit-il, quand la répétition fut terminée, crois-tu que tu t’habitueras à jouer la comédie ?

– Je ne sais pas.

– Cela t’ennuie-t-il ?

– Non, cela m’amuse.

– Alors tout ira bien ; tu as de l’intelligence, et ce qui est plus précieux encore peut-être, de l’attention ; avec de l’attention et de la docilité, on arrive à tout. Vois mes chiens et compare-les à Joli-Cœur. Joli-Cœur a peut-être plus de vivacité et d’intelligence, mais il n’a pas de docilité. Il apprend facilement ce