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CIII
INTRODUCTION

constamment enfermée. Douée des sentiments les plus mâles, elle ne respira que liberté et fut l’âme de la Gironde. L’autre, génie plus vaste et plus complet, douée de tous les talents, accessible à toutes les idées vraies, à toutes les émotions généreuses, parcourant toutes les régions de la pensée, depuis les considérations les plus profondes de la philosophie et de la politique jusqu’aux fictions les plus brillantes de l’imagination, réunit sans confusion les éléments et les qualités les plus divers. Mme de Staël appartient plutôt au xixe siècle qu’au xviiie et nous ramène aux temps contemporains.

Nous en citerons seulement quelques noms.

Picard, le plus fécond et le meilleur auteur comique de l’école impériale, fut le peintre de la vie ordinaire, et réussissait mieux à saisir les ridicules fugitifs des contemporains que les défauts et les folies héréditaires de l’homme, mais là il est d’une verve et d’une gaieté intarissables. « Chacune de ses comédies est le développement d’une maxime de morale pratique ou de prudence vulgaire. Ses pièces sont des apologues dramatiques : c’est Ésope sur le théâtre. »

Paul-Louis Courier fut un admirable artisan de langage ; mais, « habitué par son éducation à saisir rarement le grand côté des choses, il ne vit dans l’Empire que des prétentions ridicules, et dans la Restauration qu’un objet de mesquines tracasseries. C’est le libéralisme dans ce qu’il y a de plus étroit et de plus bourgeois. Mais il est difficile d’avoir plus d’esprit sur un sujet donné, plus de malice sous une apparente bonhomie que Paul-Louis n’en jette à pleines mains dans ses feuilles légères, dans son Livret, dans sa Gazette du village, dans son Pamphlet des pamphlets. » (Demogeot.)

Villemain a laissé des souvenirs ineffaçables dans l’esprit de ceux qui ont entendu ses leçons à la Sorbonne. Voici le jugement qu’a porté sur lui l’illustre Goethe : « Villemain s’est placé très haut dans la critique. Les Français ne verront sans doute jamais aucun talent qui soit de la taille de celui de Voltaire ; mais on peut dire de Villemain qu’il est supérieur à Voltaire par son point de vue, en sorte qu’il peut le juger dans ses qualités et dans ses défauts. »

Un autre enfant de Paris, Cousin, à la même époque, popularisait en France les plus hautes doctrines philosophiques de l’Allemagne, et par là exerça une grande influence sur la plupart des esprits sérieux, non pas seulement en philosophie. Son premier ouvrage Sur le fondement des idées absolues du vrai, du beau et du bien renfermait un enseignement littéraire plus puissant et plus fécond que tous les livres écrits pendant le siècle précédent sur la littérature. Il a posé la base de l’esthétique, et les écrits purement littéraires qu’il a publiés depuis ont montré que, si nul n’était plus digne de découvrir et de dévoiler les sources philosophiques du beau, personne n’était aussi plus capable d’en appliquer les principes dans les œuvres d’art.

Telle est la part de chaque province de la France dans son histoire littéraire. Parmi les auteurs contemporains, nous nous bornerons, pour terminer cette esquisse générale de notre histoire littéraire, à citer les plus connus, en attendant que la postérité ait prononcé : — en philosophie : Renan, l’auteur de la Vie de Jésus ; Jules Simon, Vacherot, l’auteur de l’Histoire critique de l’École d’Alexandrie ; Auguste Comte, le chef de l’école positiviste ; Ad. Franck ; — en histoire : Mignet, Louis Blanc, Victor Duruy, Henri Martin, Lanfrey, d’Haussonville, Camille Rousset, Ternaux, Achille de Vaulabelle ; — en géographie, après les Gosselin, les d’Anville, qui avaient illustré le siècle dernier : Conrad Malte-Brun, Danois d’origine, mais Français et Parisien par ses écrits ; Jomard, Vivien de Saint-Martin, d’Avezac, Ernest Desjardins, Élisée Reclus, E. Levasseur, Ad. Joanne, E. Cortambert ; — en philologie : J.-J. Ampère, Littré, Ch. Magnin, Désiré Nisard, Taine ; — en poésie : Victor Hugo, François Coppée, Jean Richepin, Joseph Autran, Sully-Prudhomme, Victor de Laprade, Leconte de Lisle, Théodore de Banville ; — en littérature dramatique : Victorien Sardou, Alexandre Dumas fils ; Octave Feuillet, Camille Doucet, Henri Bornier ; — dans le roman : Gustave Flaubert, Zola, Jules Claretie, Ernest Feydeau, Erckmann-Chatrian, Alphonse Karr, Jules Sandeau, Jules Verne, les frères de Goncourt, etc.