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Page:Malte-Brun - la France illustrée tome I.djvu/125

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CXI
INTRODUCTION

les encouragements et l’exemple donnés par les Sociétés d’agriculture et les comices agricoles. La voie dans laquelle est entrée l’agriculture est assurément la bonne, le progrès ne s’arrêtera plus ; mais, dans notre impatience d’améliorations nouvelles, n’oublions pas qu’elles ne pourront sortir que de la consolidation des résultats déjà obtenus ; sans doute la terre paye généreusement les sacrifices qu’on lui fait, mais la semence doit précéder la moisson, et ce qui manque au cultivateur bien plus que le zèle, bien plus que l’intelligence, c’est l’argent. Ce qu’il faut donc lui désirer par-dessus tout, c’est l’aisance, qui sera pour lui l’objet de succès nouveaux ; c’est la richesse, qui enrichira le sol plus encore que lui.


INDUSTRIE

§ Ier. Avant l’invasion romaine, l’industrie chez les Gaulois était moins développée encore que l’agriculture. Les restes de constructions qui remontent à cette époque, les ruines de monuments mégalithiques épars sur notre sol révèlent une architecture aussi rudimentaire, aussi sauvage que le culte auquel ils étaient consacrés. Les armes, instruments et ustensiles divers recueillis dans nos musées dénotent une fabrication pénible, inhabile, individuelle. Chaque village, chaque famille, chaque individu produisait ce que lui commandaient ses besoins. Les exceptions à cet état de choses à peu près général sont peu nombreuses. Les Celtes fabriquaient avec des étoupes de lin et des rognures de drap des matelas dont les Romains adoptèrent l’usage. Le tissage et la teinture d’étoffes grossières pour vêtements étaient encore une des industries du pays. On doit supposer que les procédés phéniciens pénétrèrent peu à peu de Marseille dans l’intérieur des Gaules, et amenèrent cet art à un point qui permit plus tard aux Romains de se fournir dans les provinces occupées par eux.

Ce qui semble avoir appartenu. en propre au génie de nos ancêtres, c’est une savante exploitation des mines. Jules César témoigne dans ses Commentaires de l’habileté des mineurs gaulois, qui déployèrent leur expérience dans la défense de Lectoure, d’Aire et de Bourges. Tandis qu’ailleurs le travail des mines était abandonné aux esclaves, cette profession chez les Gaulois n’avait rien de servile. C’est le fer et le cuivre qui étaient surtout exploités. On n’apprécia que beaucoup plus tard la valeur des mines de combustibles.

Aux yeux des Romains, la Gaule étant une contrée essentiellement agricole, c’est principalement au point de vue des subsistances qu’ils cherchèrent à utiliser leur conquête. Chez eux d’ailleurs l’industrie était peu en honneur ; ses produits, comme ceux des arts, étaient le tribut des vaincus. L’occupation romaine modifia donc peu l’état industriel de la Gaule.

C’est dans tout ce qui se rattache à l’art de construire que le progrès fut le plus sensible ; la nécessité donna bientôt aussi quelque développement à la fabrication des armes ; la création des routes, en facilitant les échanges, concentra sur quelques points plus propices la production de certains objets ; mais rien dans ces premiers essais n’indique un système, rien ne peut faire pressentir une organisation industrielle telle que la civilisation moderne nous la fait concevoir, telle qu’elle avait existé déjà en Grèce, à Carthage et sur les côtes de Syrie.

Et cependant cette faible lueur s’éteignit encore au souffle des tempêtes que déchaînèrent les barbares. Sous les rois de la première race, l’industrie n’eut pour asile que quelques monastères et quelques métairies royales où se fabriquaient les ornements des églises et les vêtements des princes. Toutefois, si les documents ne nous faisaient pas défaut, c’est peut-être là que nous retrouverions les premiers éléments de la division du travail industriel.


§ II. De Charlemagne, ce grand restaurateur qui releva tant de ruines, qui dans ses hautes préoccupations ne négligea pas plus l’industrie que l’agriculture et le commerce, qui entre autres résultats maintenus rendit au travail des mines son ancienne activité, de ce prince jusqu’aux croisades, nous ne voyons qu’une production restreinte, locale, morcelée, appropriée à la vie misérable et précaire des populations, entravée dans tout essor qu’elle aurait essayé de prendre par l’obstacle féodal, et n’ayant d’autres débouchés extérieurs que quelque foire annuelle ou quelque périlleux pèlerinage. Les croisades ont eu sur l’industrie une double influence : elles ont, dans une certaine mesure, affranchi le travail et le travailleur, le travail de la routine et le travailleur du seigneur, son maître. On sait avec quel empressement, avec quel dévouement héroïque les villes se rachetèrent des servitudes qui pesaient sur elles, alors que les barons durent réaliser toutes leurs ressources pour subvenir aux frais de leur voyage en Palestine.