Aller au contenu

Page:Malte-Brun - la France illustrée tome I.djvu/180

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
13
AIN

par testaments, codicilles, donations entre vifs et à cause de mort ; ce privilège fut maintenu au pays longtemps après l’établissement de la souveraineté des rois de France. Philippe VII compléta la libéralité de ces mesures, par divers édits qui constituèrent à la ville de Bourg une véritable municipalité ; les syndics et consuls élus eurent pouvoir de répartir également, entre tous les habitants, tailles, subsides, impositions, et de choisir eux-mêmes le collecteur seul autorisé à contraindre les contribuables au payement de leurs cotes. L’organisation militaire fut réglée sur des principes aussi larges ; la police intérieure et la garde des fortifications furent confiées à une milice bourgeoise commandée par un capitaine à la nomination duquel tout citoyen avait non seulement le droit, mais le devoir de concourir. Les encouragements au commerce n’étaient pas non plus oubliés ; le même prince concédait franchises absolues pour quatre foires par an.

Les dernières années de la domination de la maison de Savoie furent marquées par des témoignages plus éclatants encore de ses sympathies traditionnelles pour la capitale de la Bresse.

Sur les vives sollicitations de Charles III, et malgré l’opposition qu’y apportèrent François Ier, le duc de Bourbon, prince de Dombes, l’archevêque de Lyon et tous les évêques des provinces environnantes, la paroisse collégiale de Bourg fut érigée en évêché, en 1515, par Léon X, qui appela à ce siège Louis de Gorrevod, évêque de Maurienne ; enfin, en 1569, Emmanuel-Philibert fit construire, pour la défense de la ville, une citadelle de forme pentagonale, qui passait pour une des plus régulières et des plus fortes de l’Europe. La mésintelligence qui surgit entre le gouverneur de la province et celui de la citadelle fut le prétexte dont Louis XIII se servit pour en ordonner la démolition au mois de septembre 1611.

Toutefois, le règne des deux derniers princes que nous venons de citer, Charles III et Emmanuel-Philibert, fut séparé par une période de domination française sur la Bresse et sa capitale. En 1535, à propos d’une contestation sur la possession du comté de Nice, et d’un refus d’hommage pour le Faucigny, François Ier déclara la guerre au duc de Savoie, Charles III, auquel il avait surtout à reprocher son alliance avec l’empereur d’Allemagne. L’amiral Chabot fut chargé d’une expédition contre les États du duc, et, en moins de trois semaines, il avait conquis à la France Gex, Valromey, Bresse et Bugey. Pour apaiser les regrets que l’administration paternelle de la maison de Savoie avait pu laisser dans le cœur des habitants de Bourg, tous les privilèges dont jouissait la ville furent confirmés. En 1546, le roi voulut visiter sa nouvelle conquête ; il fut reçu à Bourg avec beaucoup de pompe et de magnificence, inspecta les ouvrages de défense qu’il avait fait commencer et fit élever ce beau bastion que l’on voit encore entre la porte Verchère et la porte de la Halle. Son successeur, Henri II, conserva, pendant les premières années de son règne, Bourg et les provinces conquises par Chabot ; il paraissait même ajouter un grand prix à cet accroissement du territoire national, car, en 1548, il vint aussi visiter Bourg, confirma et étendit les franchises provinciales et s’attacha les notaires du pays par un édit qui les autorisait à transmettre à leurs successeurs et héritiers la minute des actes rédigés par eux, usage dont l’adoption a servi de base à l’organisation du notariat dans toute la France. Ces faveurs ne parvenaient cependant pas à déraciner dans la Bresse et le Bugey le souvenir des anciens maîtres ; Emmanuel avait succédé à Charles, et, moins résigné que son prédécesseur, aidé des vœux secrets de seigneurs du pays, nombreux et influents, appuyé d’une petite armée impériale recrutée dans le comté de Ferrette par un capitaine résolu, du nom de Polviller, il dirigea une attaque contre la ville de Bourg ; on comptait sur une surprise ; la garnison royale fit bonne contenance et résista. Les seigneurs de Digoine et d’Erchenets, chargés de la défense, n’attendirent même pas les secours qui leur arrivaient de plusieurs côtés pour forcer les assaillants à une retraite précipitée ; le mauvais succès de cette tentative aurait sans doute consolidé la domination française, si le désastreux traité de Cambrai (1529) ne fût venu rétablir les choses comme elles étaient avant François Ier.

Le duc Emmanuel, en reprenant possession de Bourg avec Marguerite de Valois, sœur de Henri II, qu’il avait épousée, ne voulut se souvenir que des vieilles sympathies qui unissaient la ville à sa maison ; il renchérit encore sur toutes les libéralités dont chaque vainqueur était tour à tour prodigue envers elle ; il lui permit d’ajouter la croix d’argent de Saint-Maurice aux armoiries qu’Amé V lui avait données deux siècles auparavant ; grâce enfin à l’habile modération de sa conduite, il put laisser intact à son successeur l’héritage de ses