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Page:Malte-Brun - la France illustrée tome I.djvu/181

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LA FRANCE ILLUSTRÉE

aïeux, qu’il avait eu le bonheur de reconquérir. Celui-ci, Charles-Emmanuel, ambitieux et brouillon, confondant les époques et méconnaissant la force des choses, ne comprit pas que la constitution de la monarchie française imposait à la Savoie désormais la loi d’une prudente neutralité ; il crut voir dans les guerres de la Ligue l’occasion heureuse d’une intervention, qui étendrait ses domaines ou accroîtrait son influence ; il encouragea, par sa complicité, le gouverneur de la Bresse à seconder le duc de Nemours, son parent, un des plus acharnés adversaires de Henri IV. Le Béarnais ne réclama point et alla au plus pressé mais, dès que son pouvoir fut solidement établi en France, il remit au jour les griefs qu’il avait à faire valoir contre le duc de Savoie ; le maréchal de Biron reçut l’ordre d’envahir la Bresse, et, le 12 août 1600, presque sans coup férir, il entrait dans les murs de Bourg. La citadelle tint pendant six mois ; mais les assiégés déployaient un courage inutile, les négociations entamées ne pouvaient que ratifier le succès des armes françaises ; depuis trop longtemps était méconnue la loi providentielle qui a donné le Jura et les Alpes pour frontières à la France ; le traité de Lyon (17 janvier 1601) annexa définitivement à notre patrie les provinces contestées et Bourg, leur capitale. Plus tard, la conquête de la Franche-Comté et de l’Alsace, en éloignant tout voisinage dangereux et hostile, vint consolider encore l’œuvre de fusion et d’assimilation qui est maintenant absolue et complète.

Il n’est pas aujourd’hui, en France, de ville plus française que Bourg ; la Révolution de 1789 y a rendu plus ferme et plus vivace encore l’esprit de nationalité ; en 1814, l’invasion étrangère ne rencontra nulle part une plus énergique résistance ; les habitants prirent les armes, livrèrent dans le faubourg un combat de tirailleurs, qui tint en échec 1,500 Autrichiens, et ne cédèrent que devant les forces imposantes qui vinrent au secours des premiers assaillants. La ville expia cruellement le crime de son héroïque patriotisme ; les généraux ennemis la livrèrent au pillage. Plus heureuse, mais non moins patriote en 1870 et 1871, elle n’a pas revu l’étranger.

La ville de Bourg, autrefois construite presque entièrement en bois, est agréablement située sur la rive gauche de la Reyssouse et près de la Veyle ; le mamelon sur lequel elle est bâtie domine à l’est un bassin agréable et varié que couronnent les coteaux de Revermont ; au nord, l’œil suit la Reyssouse, arrosant d’immenses prairies qui s’étendent jusqu’à la Saône.

Les rues, dont la régularité laisse à désirer, sont propres, assainies par l’eau courante d’un petit ruisseau nommé le Cône et ornées de fontaines dont une, en forme de pyramide, a été élevée par les habitants à la mémoire de Joubert. Il reste peu de chose de la ville du moyen âge ; les murailles subsistent encore en partie, mais les fossés ont été desséchés et disposés en jardins ; la citadelle, comme nous l’avons vu, a été rasée sous Louis XIII ; les derniers vestiges du château ducal ont disparu dans les premières années de la Restauration ; l’église paroissiale, dédiée à Notre-Dame, dont la façade est entièrement du style de la Renaissance, et l’intérieur du moyen âge, est le monument le plus important de la ville. Après elle, il faut citer l’hôtel de la préfecture, la bibliothèque, le musée, la halle au blé, une assez jolie salle de spectacle et, en dehors de la ville, un magnifique hôpital entouré de beaux jardins. Ce qu’on ne saurait assez louer, ce sont de délicieuses promenades qui consistent en plusieurs avenues de peupliers : le Quinconce, le Mail, remarquable par sa longueur ; le Bastion, au centre même de la ville, et dont l’hémicycle est décoré d’une statue en bronze de Bichat, due au ciseau de David d’Angers.

Les produits du sol, céréales et bestiaux, constituent le principal commerce de Bourg. On y trouve cependant quelques fabriques de toile et de bonneterie, des filatures de coton, tanneries et corroieries. Cette ville est la patrie de Bachet, traducteur et commentateur ; du jurisconsulte Collet, de l’historien Faret, d’Antoine Favre, jurisconsulte, et de Favre de Vaugelas, le grammairien ; de l’évêque Albert de Chouin ; des conventionnels Alexandre Goujon et Marie Gouly ; de l’astronome Lalande ; du philosophe Chevrier de Corcelles ; d’Aubry de La Bouchardie, lieutenant général d’artillerie, et du poète et littérateur Edgar Quinet, député à l’Assemblée nationale, mort à Versailles en 1875.

Les armes de Bourg sont : parti de sinople et de sable, à la croix de Saint-Maurice d’argent, brochant sur le tout. Dans un manuscrit du XVIIe siècle, elles sont figurées : de sable, à la croix florée d’argent.



Brou. — À 2 kilomètres à l’est de Bourg s’élève la merveilleuse église de Brou, trop célèbre et trop