Page:Malte-Brun - la France illustrée tome I.djvu/215

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
15
AISNE

de Paris à la frontière belge, à 25 kilomètres nord-ouest de Laon, chef-lieu de canton, peuplé de 4,914 habitants, place de guerre de troisième classe, avec école d’artillerie et arsenal de construction.

Cette ville ne commence à figurer dans l’histoire qu’au Xe siècle ; c’était une des places fortes de l’évêque de Laon. Nous la voyons assiégée et prise en 958 par Thibaut, comte de Blois ; Louis le Gros est moins heureux au XIIe siècle, et La Fère résiste à tous ses efforts. Sa charte communale date de 1207. Cette ville eut surtout à souffrir des guerres de la Ligue ; en quinze ans, elle fut prise et reprise quatre fois : par Condé en 1579, l’année suivante par le maréchal de Matignon, par un coup de main des ligueurs en 1559, et enfin par Henri IV, après capitulation, en 1595. La Fère s’était rendue aux Prussiens en 1814 ; mais, après Waterloo, ses habitants, secondés par une faible garnison sous les ordres du chef d’escadron d’artillerie Berthier, opposèrent une héroïque résistance aux troupes étrangères, qu’ils tinrent en échec de la fin de juin au 5 novembre.

Cette ville est agréablement située sur l’Oise, un peu au-dessous du confluent de la Serre, dans un vallon entouré de coteaux boisés. Elle possède plusieurs établissements industriels, tels que savonneries, huileries, tanneries, scieries et menuiseries. Après l’église, qui date du XVe siècle, l’édifice le plus notable est l’école d’artillerie, et encore son principal titre est-il son droit d’aînesse sur tous les établissements analogues que possède la France ; cette école a été établie en 1719.

La Fère est la patrie de Charles de Bourbon, fantôme de roi sous la Ligue ; de Louis de Bourbon, prince de Condé, tué à la bataille de Jarnac, et des deux frères d’Urtubie, tous deux généraux d’artillerie.

Les armes de la ville sont : fascé de vair et de gueules de six pièces.



Coucy-le-Château. — Coucy (Condisiacum, Coussiacum), à 30 kilomètres ouest de Laon, est un chef-lieu de canton peuplé de 739 habitants.

La terre de Coucy, avec l’ancien bourg connu depuis sous le nom de Coucy-la-Ville, faisait partie des domaines concédés par Clovis à saint Remi et abandonnés par le saint évêque à l’église de Reims. Après quatre siècles d’une possession paisible, les invasions normandes, les convoitises des seigneurs du voisinage inspirant des inquiétudes plus sérieuses de jour en jour aux prélats propriétaires de ce fief, Hervé, l’un d’eux, résolut de construire près de Coucy-la-Ville un château fort destiné à la protéger ; les fondements en furent jetés en 880, et les habitations qui se groupèrent autour formèrent un bourg nouveau qu’on distingua de l’ancienne ville en l’appelant Coucy-le-Château. Cet accroissement donné à l’importance du domaine ne fit que rendre plus ardents les efforts de ceux qui cherchaient à s’en emparer ; en 929, il était au pouvoir d’Herbert, comte de Vermandois, et le château servait de prison à Charles le Simple, qui y avait été transféré de Château-Thierry. Après diverses péripéties, et à la suite d’un compromis accepté par l’archevêque de Reims en 968, Coucy, moyennant une redevance annuelle de 60 sols, passa aux mains d’Eudes, fils de Thibaut, comte de Troyes. Plusieurs seigneurs, dont les noms sont restés inconnus, succédèrent à Eudes ; enfin, en 1059, le domaine était possédé par un Albéric qu’on suppose issu des comtes de Vermandois, et qui devint la souche de cette puissante et fameuse famille des sires de Coucy. Le fils ou petit-fils de cet Albéric fut Enguerrand Ier, de qui date l’illustration de la maison. Outre le domaine de Coucy, il possédait encore la baronnie de Boves, le comté d’Amiens, la seigneurie de Marle et de La Fère ; voilà pour sa puissance. Quant à ses mœurs, il épouse, du vivant de son mari, une certaine dame du nom de Sibylle, fait bénir son union par l’évêque de Laon, guerroie pendant plusieurs années avec l’époux dépossédé, se brouille avec un fils qu’il avait eu de sa première femme, Thomas de Marle, met tout le pays en feu au sujet de ces tristes querelles de famille et introduit, dans la lutte, le barbare usage de crever les yeux des prisonniers. Thomas, digne fils d’un tel père, lui succède en 1116 ; il fait assassiner Henri de Chaumont, qui lui disputait le comté d’Amiens, pille les marchands qui passent sur ses terres et meurt frappé, dans une embuscade qu’il avait dressée lui-même, par Raoul de Vermandois. Il eut pour successeur Enguerrand II, qui, à l’exemple de son père et de son aïeul, prit la croix en 1146 et partit pour la terre sainte, où il mourut. Comme son père, Raoul Ier, qui lui avait succédé, partit pour le grand voyage d’outre-mer et ne revit plus son château. Son fils, Enguerrand III, lui succéda ; mais il avait aussi un frère du même nom d’Enguerrand qui n’eut, comme fils puîné, que quel-