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Page:Malte-Brun - la France illustrée tome I.djvu/48

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XXXVI
LA FRANCE ILLUSTRÉE

Pothin, disciple du plus mystique des apôtres, fonda la mystique Église de Lyon, métropole religieuse des Gaules. Mais la nouvelle croyance se répandit plus lentement dans les campagnes. Au ive siècle encore, saint Martin trouvait à convertir des peuplades entières et des temples païens à renverser. » (Michelet.)

L’empire romain était sur le déclin quand les barbares arrivèrent. Un torrent traversa la Gaule en la dévastant. Quelques-uns des envahisseurs s’y fixèrent : les Burgondes entre le Rhône et les Alpes ; les Wisigoths dans la Narbonnaise et l’Aquitaine ; les Francs sur les bords de la Somme. Tous ces peuples étaient germaniques. Survinrent les Huns, race étrangère et formidable, également odieuse aux Germains et aux Romains, qui se réunirent contre elle ; ces Asiatiques furent détruits dans la plaine de Châlons, et Attila s’enfuit (452). Depuis ce jour, où la Gaule vit se heurter sur son territoire tous les peuples du monde, on peut dire qu’elle devint le cœur de l’Europe nouvelle.


GAULE FRANQUE

CLOVIS ET LES MÉROVINGIENS.

La petite peuplade des Francs, qui comptait seulement cinq mille guerriers, était encore cantonnée au delà de la Somme lorsque Clovis la conduisit à la conquête de la Gaule. À la bataille de Soissons (486), il balaya le dernier débris de la domination romaine en Gaule. Cette victoire lui livra le centre de la Gaule jusqu’à la Loire. Devenu l’époux de Clotilde et chrétien, il s’ouvrit le midi par ses relations avec les évêques orthodoxes, persécutés par les ariens burgondes et wisigoths. En 500, les Burgondes sont soumis au tribut ; en 507, les Wisigoths, vaincus près de Vouillé, sont rejetés au delà des Pyrénées et l’empire des Francs est fondé. Des assassinats et des perfidies achevèrent de réunir sous l’autorité de Clovis les autres tribus franques qui avaient encore des rois particuliers. C’est une époque d’affreuse barbarie que celle des Mérovingiens. « Il y avait encore à Cambrai un roi nommé Ragnacaire... Il arriva que Clovis, ayant fait faire des bracelets et des baudriers de faux or, car c’était seulement du cuivre doré, les donna aux leudes de Ragnacaire pour les exciter contre lui. Il marcha ensuite avec son armée, battit Ragnacaire, que ses propres soldats amenèrent au vainqueur avec son frère Richaire, tous deux les mains liées derrière le dos. Quand il fut en présence de Clovis, celui-ci lui dit « Pourquoi as-tu fait honte à notre famille en te laissant enchaîner ? Il te valait mieux mourir. » Et ayant levé sa hache, il la lui rabattit sur la tête. Ensuite il se retourna vers son frère et lui dit : « Si tu avais porté secours à ton frère, il n’aurait pas été enchaîné. » Et il le frappa de même de sa hache. Après leur mort, ceux qui les avaient trahis reconnurent que l’or que leur avait donné le roi était faux. Ils le dirent au roi ; mais on rapporte qu’il répondit : « Celui qui, de sa propre volonté, traîne son maître à la mort, mérite un pareil or. » (Grégoire de Tours.)

Les quatre fils de Clovis, s’étant partagé son empire, vécurent entre eux de la même manière. « Thierry voulut tuer son frère, et, ayant disposé en secret des hommes armés, il le manda pour conférer de quelque chose. Il avait fait étendre, dans sa maison, une toile d’un mur à l’autre et placé derrière des hommes armés. Mais comme la toile était trop courte, les pieds des hommes parurent au-dessous à découvert ; ce qu’ayant vu Clotaire, il entra dans la maison, mais avec ses armes et bien accompagné. Thierry comprit que son projet était connu ; il inventa une fable, on parla de choses et d’autres, et, ne sachant pas de quoi s’aviser pour faire passer sa trahison, il donna à Clotaire un grand plat d’argent. Clotaire partit après l’avoir remercié de son présent et retourna à son logis. Mais Thierry se plaignait aux siens d’avoir perdu son plat sans aucun motif, et dit à son fils Théodebert : « Va trouver ton oncle et prie-le de te céder le présent que je lui ai fait. » Il y alla et obtint ce qu’il demandait. Thierry était très habile en de telles ruses. » Voilà des récits où se montrent dans toute leur naïveté les passions basses et cupides de la barbarie.

Un peu plus tard, Clodomir, roi d’Orléans, étant mort, ses trois fils furent dépouillés par leurs oncles qui en égorgèrent deux, tandis que le troisième devint le moine saint Clodoald ou saint Cloud. Clotaire, l’un des assassins, fut celui qui pratiqua le mieux cette politique exécrable ; aussi demeura-t-il seul maître de l’empire des Francs agrandi de la Bourgogne depuis Clovis (558).

À sa mort, il y eut de nouveau quatre royaumes francs, et l’on continua de voir des frères se dépouiller, se tendre des embûches et ravager mutuellement leurs États par de sauvages expéditions. Une légende du viie siècle raconte que le père de