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LXXII
LA FRANCE ILLUSTRÉE

la paix fut signée Villafranca. Ce n’était point, comme on l’avait promis, l’Italie affranchie « des Alpes à l’Adriatique ; » mais l’idée de l’unification italienne n’en suivit pas moins son développement par l’annexion au Piémont des duchés de Parme, de Modène, de Florence et des Légations. Cependant Napoléon III ne pouvait voir sans inquiétude se former sur notre frontière du sud un royaume puissant : il déclara ne point s’y opposer ; mais il réclama les versants français des Alpes, et Nice et la Savoie furent réunies à la France.

À la suite de cette campagne, l’empereur rendit un décret d’amnistie pleine et entière à l’égard des détenus politiques. D’autres actes suivirent : le traité de commerce avec l’Angleterre (22 janvier 1860), traité qui lançait la France dans les voies de la liberté commerciale ; puis, le 24 novembre, l’inauguration de l’empire libéral par un décret qui rendait au Sénat et au Corps législatif certaines immunités parlementaires, telles que le droit de discuter la politique du gouvernement, de voter tous les ans une adresse et de livrer à la publicité le compte rendu de leurs séances. Après la réforme commerciale et politique, la réforme financière en 1861. D’après la Constitution, l’empereur avait le droit d’ouvrir des crédits extraordinaires dans l’intervalle des sessions législatives : une loi du Sénat attribua au Corps législatif l’examen et le vote du budget. C’était, pour le second Empire, le commencement d’une ère nouvelle : les libertés des Chambres eurent plus d’importance ; les traités de commerce, la question de Rome, que la France eut à défendre contre les entreprises de Garibaldi, remirent en lumière d’anciens orateurs, notamment au Corps législatif le groupe dit des cinq (Jules Favre, Ernest Picard, Émile Ollivier, Darimon et Hénon), qui représentaient alors toute l’opposition. Aux élections de 1863 vinrent s’adjoindre à ce groupe d’autres illustrations de la tribune : Thiers, Berryer, Marie. Cependant, sauf à Paris, où la liste libérale l’emporta, partout en France les candidats du gouvernement furent élus ; mais, au moment où l’opposition se fortifiait par la rentrée de Thiers sur la scène politique, l’Empire perdait deux de ses plus fermes soutiens, Billault, le 13 octobre 1863, et, deux ans plus tard, le duc de Morny, qui présidait le Corps législatif avec tant d’esprit et de distinction. Depuis, tout le poids de la discussion, dans les Chambres, pesa sur M. Rouher, ministre d’État.

Pendant que la France prospérait à l’intérieur, nos soldats, en Afrique, achevaient la conquête de l’Algérie par la soumission de la Kabylie, en 1857 ; rappelaient, par la victoire de Palikao et la prise de Pékin, en 1860, la Chine au respect des traités et fondaient en Cochinchine une colonie française. Moins heureuse, cependant, fut l’expédition du Mexique en 1862, expédition à laquelle « des personnages influents et de secrètes spéculations poussèrent Napoléon III » et qui, bien qu’illustrée par la prise de Puebla et celle de Mexico (1863), se termina d’une manière si fatale et si tragique pour l’empereur Maximilien, — l’intervention des États-Unis ayant contraint Napoléon III à rappeler son armée (1866).

Comme pour nous dédommager de ce désastre, l’année suivante vit s’ouvrir, à Paris, la plus grande exposition universelle du siècle. « Ce n’était pas un palais, dit M. Ducoudray, que l’immense cirque de fer et de fonte du Champ-de-Mars, mais c’était, avec le spectacle des machines ingénieuses et puissantes qui décuplent l’activité humaine, avec les agréments infinis de ses galeries de bronze, de cristaux, de bijoux, de mobiliers et d’étoffes, avec ses galeries nouvelles, l’histoire vivante du travail et des arts grâce aux villes entières qui s’étaient élevées comme par enchantement autour de sa sévère enceinte pour la dissimuler : usines, musées, ateliers, fermes et métairies, chalets, villages russes, phares, églises, temples, écoles, tout cela encadré de jardins, de fontaines, de rochers, de cascades, d’arbres, de plantes exotiques qui reposaient la vue ; grâce à la variété des architectures qui avaient gardé, pour chaque contrée, leur caractère national (monuments égyptiens, palais turcs, tunisiens, espagnols, établissements chinois, japonais) ; grâce enfin à la singularité des costumes de tous les pays, au mouvement d’une foule venue de tous les points de l’Europe, qui se pressait sous l’immense promenoir et laquelle se mêlèrent des rois et des empereurs, c’était bien un monde, ou plutôt le monde actuel, en abrégé, représenté au vrai dans toute la beauté de son travail et de son industrie, dans son amour du progrès et du culte de la tradition, jusque dans les différences de ses religions, de ses mœurs, de ses goûts, et même jusque dans la vulgarité de ses plaisirs. »

Deux événements cependant vinrent assombrir la situation : la crainte d’une guerre avec la Prusse, au sujet de la place forte de Luxembourg, et l’at-