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Le malade lui jeta un regard de profonde reconnaissance, et Georges, sentant que la glace était rompue, s’approcha de la petite voiture, et sa sœur le suivit. Les trois enfants se regardèrent, et le petit malade sentit qu’il n’était plus jaloux des deux autres.

Mme Gilbert avait profité de cette diversion pour consulter la gouvernante.

« Si Madame veut faire la demande à Mme de Servan, je ne crois pas que Mme de Servan refuse. Elle n’accorderait pas cela à tout le monde ; mais elle a déjà entendu parler de madame.

— Alors, je lui écrirai. »

La gouvernante sourit : « Si j’avais, dit-elle, un conseil à donner à Madame, ce serait de parler elle-même ; je ne suis qu’une domestique et je n’ai pas le droit de faire des compliments ; mais je ne sais pas qui est-ce qui pourrait refuser quelque chose à Madame, si elle prend la peine de le demander elle-même. Que Madame m’excuse, ajouta-t-elle, en voyant que Mme Gilbert rougissait ; mais ça me semblé si naturel, que je n’ai pas pu m’empêcher de le dire. »

« Mon petit ami, dit Mme Gilbert en s’adressant au petit malade, je demanderai la permission à Madame votre tante et j’espère l’obtenir. En attendant, au revoir. »

Comme elle se penchait pour l’embrasser, il lui jeta encore une fois ses bras autour du cou et lui dit : « Permettez-moi de vous appeler maman !

— Très volontiers, mon chéri.

— Au revoir, maman, lui dit-il tout bas, sans oser lever les yeux, cette fois. Il était tout intimidé de son audace, et comme embarrassé de son succès.

Quand Mme Gilbert se fut éloignée, suivie des deux enfants qui se retournaient à chaque pas pour faire des signes de tête, le malade dit à sa gouvernante : « Madeleine, si tu savais comme je suis heureux ! j’ai une maman ! »

Mme Gilbert était préoccupée de la promesse qu’elle avait faite ; non pas qu’elle regrettât de l’avoir faite, ni qu’elle eût la moindre intention de l’éluder. Seulement, elle se demandait avec anxiété si elle avait chance de réussir, et pensait au chagrin du petit malade si elle ne réussissait pas. Aussitôt rentrée, elle appela son mari en consultation, et recourut aux lumières de M. Pascaud pour savoir quelle personne c’était que Mme de Servan.