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Page:Mandat-Grancey La brèche aux buffles - 1889.djvu/251

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la brèche aux buffles.

les voit d’en haut mourir de faim, petit à petit, sans qu’il soit possible de venir à leur secours.

Le Bear’s Cañon, tout en étant fort heureusement d’humeur plus débonnaire, ce qui tient surtout à ce qu’il n’a que cinq ou six kilomètres de long, n’a rien à envier à son rival sous le rapport du pittoresque. On y entre en suivant un ruisseau desséché dont le lit est semé d’énormes galets et coupé à chaque instant de ressauts qui ont été autrefois des cascades, et qui reprennent leurs anciennes fonctions au moment de la fonte des neiges. On contourne la base d’énormes rochers calcaires de cent ou cent cinquante mètres de hauteur, dans les fissures desquels quelques gros sapins ont trouvé moyen de pousser, rétrécissant encore la mince bande de ciel qui reste visible d’en bas. Aujourd’hui, ce ciel est d’un bleu superbe, car le soleil brille de tout son éclat et la température est devenue très supportable. Le vent n’a pas dû souffler dans le sens du cañon ; aussi nous n’y trouvons presque pas de traces de neige. À certains endroits, la réverbération du soleil sur les parois des rochers développe même tant de chaleur, que ma peau de bique me pèse sur les épaules. Les lièvres et les lapins paraissent s’être parfaitement aperçus de la différence qu’il y a, au point de vue du confortable, entre cet endroit-ci et la plaine que nous venons de traverser, car nos chiens en font lever à chaque pas en fouillant les touffes d’églantiers et de pruniers qui bordent le creek quand son lit n’est pas trop resserré. Les bonnes prunes jaunes sont toutes tombées. C’est bien dommage, car François nous en faisait des tartes et des pies bien remarquables : il y en avait tant, qu’elles couvrent le sol à certains endroits. Le raisin a résisté. J’en cueille encore des grappes