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Page:Mandat-Grancey La brèche aux buffles - 1889.djvu/254

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la brèche aux buffles.

malheureux vont-ils faire ? Tous ces gens ont un air si misérable, que je me demande comment je pourrais les aider un peu. Je m’avise de leur demander de me vendre un dindon que je vois se promener dans la neige. Les enfants, nu-pieds et à peine couverts de mauvaises guenilles d’indienne, courent après lui et finissent par l’amarrer solidement par les pattes à l’arçon de ma selle.

De temps en temps, je regarde par la fenêtre dans la direction par laquelle doivent venir nos gens. À la fin, je vois poindre deux cavaliers qui arrivent à fond de train malgré la neige, si épaisse par endroits qu’elle atteint presque le ventre de leurs chevaux. C’est J… et l’un des cow-boys que Raymond a envoyé en avant pour reconnaître l’état du cañon. Ils me racontent qu’ils sont en marche depuis trois jours. Les deux premières nuits, ils n’ont pas eu trop de difficultés ; mais la nuit dernière, dès que la neige s’est mise à tomber, toutes les juments sont devenues inquiètes et cherchaient à chaque instant à s’échapper pour retourner à leur ancien ranch. Il a fallu que tout le monde restât à cheval toute la nuit. Le petit J…, qui arrive de France il y a deux mois et qui est encore tout plein du feu sacré, est dans la joie. Il trouve que le métier de cow-boy est le plus beau de tous les métiers.

Bientôt nous voyons arriver le troupeau. Les juments se montrent si rétives, qu’on les a maintenues aux grandes allures depuis trente ou trente-cinq kilomètres, sans les laisser souffler, de peur qu’elles n’aient le temps de se reconnaître. D… est en avant, servant de guide. Il me salue de la main et continue dans la direction du cañon. Tous les chevaux sont sur ses talons, trottant la tête haute, l’œil inquiet. Deux cow-