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Page:Mandat-Grancey La brèche aux buffles - 1889.djvu/256

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la brèche aux buffles.

R… est assez inquiet et se promet-il de ne dormir que d’un œil jusqu’à demain.

Il fait tout à fait nuit quand les boys viennent ramener leurs chevaux à l’écurie. Tout à coup on entend un grand bruit sourd et on voit de loin une masse sombre qui descend la vallée. C’est le troupeau qui, dès qu’il ne s’est plus senti surveillé, est reparti au galop en reprenant la direction par laquelle il est venu. On distingue déjà les premiers, filant le nez à terre comme des chiens qui chassent, pour aller passer derrière la maison, le long du coteau pierreux et raide comme un toit qui longe le vallon. D’un bond les cow-boys sautent en selle et se précipitent pour leur couper la route. Pendant un instant on dirait d’une mêlée de cavalerie. Les pierres roulantes se détachent sous le piétinement de tous ces chevaux et viennent tomber dans le lit du creek avec un bruit d’avalanche. Comment les hommes n’ont-ils pas été renversés cent fois ? Voilà ce que je ne comprendrai jamais ; il faut que leurs poneys aient de véritables crampons sous les pieds. À la fin, les juments paraissent renoncer à toute idée de fuite et reprennent lentement le chemin du haut de la vallée.

Après le dîner, je vois la grosse tête du gars Sosthène passer par la porte entr’ouverte :

— Pardon, monsieur le baron, dit-il en me tendant une lettre ; c’était pour dire à monsieur le baron que j’avions reçu des nouvelles de nos gens.

— Eh bien, qu’est-ce qu’ils te disent ?

— Ah ! ben des choses ! Il y a beaucoup de pommes ; la barattée vaut trente-cinq sous ! Il y a aussi le gars Cénéry X… qui épouse la garcette à maître Z…, de La… ! Monsieur le baron les connaît ben ! Cela sera pour après la Saint-André.