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Page:Mandat-Grancey La brèche aux buffles - 1889.djvu/276

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la brèche aux buffles.

ai jamais vu aucun qui fut comparable à Harvey. Il est tellement gracieux quand il opère que je suis resté plus de deux heures, les pieds dans la neige, sans me lasser d’admirer ses petits talents. Comme tous les grands artistes, il a voulu varier ses effets. Il y a dans la bande une douzaine de chevaux dont on a commencé le dressage ; ceux-là se laissent approcher et même brider sans difficulté. Pour les abattre, Harvey a employé un procédé que je trouve merveilleux. À Paris, les vétérinaires ont des bascules qui leur permettent d’abattre les chevaux sans le moindre danger. Mais il n’y a pas un propriétaire qui n’ait eu un moment d’angoisse en voyant opérer les vétérinaires de campagne, car ceux-ci n’ont pas les mêmes ressources et sont obligés d’employer les entraves. C’est pour ces propriétaires que je veux décrire par le menu le procédé d’Harvey. En ce qui me concerne, je suis bien décidé à ne jamais en laisser employer un autre quand il s’agira de mes chevaux.

Voici donc comment il s’y est pris. Il mettait au cheval un licol muni d’une corde longue de trois ou quatre mètres. Puis il faisait un nœud à la queue de l’animal. Si la queue était trop courte, il faisait avec une ficelle une forte ligature au bout des crins. Il passait ensuite le bout de la corde au dedans de ce nœud et tirait à lui. Le cheval se trouvait aussitôt plié en deux, le nez au bout de la queue. Il le faisait alors tourner sur lui-même. Le mouvement ne tardait pas à s’accélérer, et, en moins de deux minutes, le cheval se couchait de lui-même sur le flanc, les jambes allongées ; il ne s’abattait pas, il se couchait très doucement, je le répète ; j’ai vu faire cette opération douze ou quinze fois : elle a toujours réussi.