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Page:Mandat-Grancey La brèche aux buffles - 1889.djvu/300

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la brèche aux buffles.

l’air des gaveuses Martin qu’on voit au Jardin d’acclimatation et qui servent à engraisser la volaille. Une grande cage en fer entoure tout l’appareil, qui est si bien équilibré qu’un seul homme agissant sur un treuil peut le mettre en mouvement avec la plus grande facilité. Quand le shérif désire y introduire un nouveau pensionnaire, il amène une cellule vide en face de la seule porte qui existe dans la cage, et une fois cette porte refermée, d’un seul tour de clef il a mis en sûreté tous ses prisonniers.

L’heure du départ approche. La nuit est déjà tombée Raymond, J… et moi, nous nous acheminons lentement vers la gare. Sur le quai, au milieu d’un groupe, deux colonels quelconques, l’un journaliste, l’autre épicier, je crois, sont en train de discuter violemment au sujet des événements qui viennent de se passer : l’un prend le parti des citoyens, l’autre celui des cow-boys. Bientôt ils en viennent aux gros mots : damned scoundrel ! confounded beggar ! Nous les voyons, la figure éclairée par le gros fanal de la station, le corps penché en avant, la mâchoire frémissante comme pour mieux mâcher les injures qu’ils se jettent à la tête. Chacun a la main droite sur son revolver, qu’on devine caché dans la poche du pantalon par derrière, épiant tous les mouvements de l’adversaire pour ne pas le laisser tirer le premier : épiés, à leur tour, par les assistants, qui ne veulent rien perdre de la scène, mais qui veulent avoir le temps de se mettre à l’abri si on commence à tirer ; car les balles vont droit devant elles et entrent souvent dans la peau de gens auxquels elles n’étaient pas destinées.

Je disais tout à l’heure que le lynchage semblait être un peu en décroissance dans ce pays. Les duels