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la brèche aux buffles.

Cependant ce paysage ne tarde pas à s’animer. À travers ma lorgnette, je distingue de loin en loin de longues files de juments, sortant lentement des petites vallées latérales, où elles ont été passer la nuit, pour aller boire aux flaques d’eau qui se trouvent dans le lit du creek. Leurs poulains gambadent autour d’elles. D’autres, qui ont déjà bu, remontent sur les berges et puis regagnent au trot leurs pâturages favoris sur le sommet des collines. Les bandes ne se mêlent guère. Chacune se tient dans un cantonnement qu’elle adopte pour une saison. Puis, au commencement de l’hiver et du printemps, après quelques tâtonnements, elles en choisissent un autre. Ces animaux, presque revenus à l’état sauvage, se comportent absolument comme le gibier.

Bien différente est la vue que j’ai en regardant par mon autre fenêtre percée dans la façade de la maison. En face de moi, à une centaine de mètres tout au plus, se dresse une muraille de gros rochers gris presque verticale, au pied de laquelle coule le ruisseau, assez abondant ici, mais qui va se perdre un peu plus bas pour reparaître de loin en loin dans la plaine. Sur sa rive droite, devant la maison, on a établi le jardin. En me penchant un peu au-dessus de l’immense massacre d’élan qui orne le bas de ma fenêtre, je distingue sur la gauche la cour des écuries, où deux cow-boys sont en train de seller leurs chevaux, qui semblent tout petits à côté d’un énorme étalon percheron qu’on vient de sortir de son boxe pour le panser.

Au-dessous de moi, sur la plate-forme en bois qui sert de perron, le docteur G…, armé d’un bistouri, est en train de taillader les serpents tués hier. Je vais le rejoindre. La tête du serpent à sonnettes est déjà dissé-