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préface.

de ces jeunes personnes, que dans un Ordre de religieuses dont il me donnait le nom, il me recommandait de lui trouver cet emploi à proximité d’un couvent de cet Ordre, où il pût les envoyer tous les matins, ce qui, est-il besoin de le dire ? compliquait singulièrement la mission qu’il me faisait l’honneur de me confier.

Ces lettres-là donnent la note gaie : elles sont l’exception. Les sept ou huit cents autres constituent un dossier qui serait bien précieux pour qui voudrait faire l’histoire économique de la France Grévy et Carnot regnantibus. Il est instructif. Ce sont des hommes déjà âgés qui me parlent des angoisses que leur cause l’avenir. On vivait, de père en fils, petitement, mais honorablement, en province ; les garçons entraient dans la magistrature, l’administration ou l’armée. Ils donnaient à l’État toute leur vie en échange d’un salaire dérisoire que leurs petits revenus héréditaires rendaient suffisant. Maintenant, la plupart de ces carrières leur sont fermées ; on ne veut plus d’eux nulle part, car ils n’ont pas les idées qui plaisent aux puissants du jour : d’ailleurs, les ressources disparaissent ; on a déjà diminué les fermages ; malgré cela, les fermiers ne payent plus et parlent d’abandonner la ferme ; les vignes sont dévastées : il faut donc avoir recours au vrai travail, à celui qui donne un salaire dont on vit. À tort ou à raison, — à tort selon moi, — ils trouvent qu’il y a là comme une dérogation. Puisqu’il faut que les fils travaillent de leurs mains, que ce soit au loin, là où ils ne sont pas connus, et aussi où ils ne seront pas persé-