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la brèche aux buffles.

si une seule jument s’est écartée, il faut d’abord relever sa piste et voir dans quelle direction elle se dirige ; ensuite revenir rendre compte au foreman ; puis le herder prend deux chevaux frais : l’un porte une couverture, une hache et quelques vivres ; il monte sur l’autre et il part à la recherche de la fugitive. Au mois de mars dernier, deux de nos hommes ont passé treize jours sans entrer dans une maison, couchant par terre, enveloppés dans une simple couverture, par des froids de dix ou douze degrés.

Je dois dire que depuis que je vois de plus près les cow-boys, j’ai sensiblement modifié ma manière de voir à leur égard. Les cow-boys ressemblent en somme beaucoup aux matelots. Ils ont leurs qualités et leurs défauts. On n’éprouve pas une bien grande sympathie pour un gabier breton quand on le voit, à terre, trébuchant de cabaret en cabaret, dans les rues de Recouvrance, mais on l’apprécie à sa juste valeur quand on vit avec lui à bord. Il ne faut pas davantage juger un cow-boy quand on ne l’a rencontré que dans les villes de la frontière où il vient dépenser en quelques heures l’argent qu’il gagne si durement.

Je ne voudrais cependant pas laisser croire que les rapports qu’on a avec lui, quand il est dans l’exercice de ses fonctions, sont bien agréables. J’entends toujours les fermiers français se plaindre de la difficulté qu’ils ont à conduire leur personnel. Ces difficultés-là sont bien peu de chose auprès de celles qu’on éprouve dans ce pays-ci. Les unes comme les autres tiennent à des causes générales et ont la même origine. Partout le principe de l’égalité des hommes, et comme conséquence celui de leur indépendance absolue, est affirmé avec une énergie chaque jour plus grande. C’étaient