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MANUEL D’ÉPICTÈTE.

même, à l’égard d’un voisin, d’un concitoyen, d’un général, tu trouveras quel est ton devoir, si tu examines les relations que tu soutiens avec eux[1].


XXXI

le vrai culte envers la divinité.


I. Dans la piété à l’égard des dieux, sache que le principal est d’avoir sur eux des opinions droites[2], de croire qu’ils sont et qu’ils administrent toutes

  1. On peut accorder aux stoïciens que nos devoirs sont mesurés ou déterminés par la nature et par nos relations extérieures. C’est ainsi qu’un cadre mesure et délimite un tableau. Mais il ne faut pas confondre, comme l’ont fait les stoïciens, le tableau et le cadre. Nos devoirs ne nous sont pas imposés du dehors par la nature des choses ; c’est nous-mêmes qui nous les imposons : sans cela, l’obligation morale ne serait plus qu’une obligation physique ou naturelle. Nous seuls, nous pouvons nous obliger réellement et efficacement ; nous seuls, nous posons la loi morale. Nous disons, par exemple ; je veux être reconnaissant ; cette loi posée, la nature se charge de nous en fournir les applications : elle nous présente un père, une mère. Ce sera avant tout à leur égard que nous appliquerons le précepte moral de la reconnaissance. Ensuite, la nature nous entoure de frères, de parents, etc. Par là, elle nous aide à formuler et à exercer nos divers devoirs ; mais le devoir même, c’est à-dire l’obligation morale, ne vient pas de la nature, il vient de la volonté. — C’est ce que les Stoïciens eux-mêmes comprirent vaguement, et ils élevèrent au-dessus de ce qui est naturellement convenable (καθῆκον, officium medium) ce qui est parfaitement convenable (καθῆκον τέλειον, officium perfectum) et moralement obligatoire (τὸ δέον, quod oportet). V. Cicéron, De finibus, III, xvii.
  2. Deum coluit qui novit, a dit Sénèque. — Les stoïciens réagirent énergiquement contre le culte extérieur, cet ensemble de pratiques superstitieuses et irrationnelles. Ici encore, ils ramènent l’homme vers lui-même ; s’il veut trouver Dieu, qu’il le cherche, non au dehors de lui, non dans un temple, non dans un culte extérieur, mais en lui, par sa raison, par son amour. « Élargissez Dieu, » dira Diderot. Sénèque et Perse tracent le portrait du Tartufe païen qui demande aux dieux ce que la pudeur l’empêcherait de demander aux hommes : « Aujourd’hui quelle est la folie des hommes ? dit Sénèque (Epist. 41 et 10). Ils murmurent à voix basse des vœux infâmes à l’oreille des dieux. Dès qu’on les écoute, ils se taisent. Ils n’ose-