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III
SUR LA PHILOSOPHIE D’ÉPICTÈTE.

quiéterais-tu encore de ces menaces ? — Non. — Mépriser la mort est-il en ton pouvoir ? — Oui. — Ta volonté est affranchie[1]. »

Ainsi il existe en nous, et en nous seuls, quelque chose d’indépendant ; notre puissance de juger et de vouloir. La liberté de l’âme est placée hors de toute atteinte extérieure, ἡ προαίρεσις ἀνανάγκαστος[2] ; elle échappe au pouvoir des choses et des hommes ; car « qui pourrait triompher d’une de nos volontés, sinon notre volonté même ? » Bien plus, elle échappe au pouvoir des dieux : Jupiter, qui nous a donné la liberté, ne saurait nous l’ôter ; ce don divin ne peut, comme les dons matériels, se reprendre. C’est donc là que l’homme trouve son point d’appui, c’est de là qu’il doit se relever. « Si c’était une tromperie, s’écrie Épictète, de croire, sur la foi de ses maîtres, qu’en dehors de notre libre-arbitre rien ne nous intéresse, je voudrais encore, moi, de cette illusion[3]. »

Le seul obstacle pour l’homme, son seul ennemi, c’est lui-même : lui-même, il se dresse, sans le savoir, les embûches où il tombe[4]. C’est que chez l’homme, outre la faculté de juger

  1. Entretiens, IV, i, 68.
  2. Ib., I, xvii, 21 ; II, xv.
  3. Ib., I, iv, 27.
  4. Manuel, i, 3 ; xlviii, 3.