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IV
ÉTUDE

et de vouloir, se trouve l’imagination : quoique les choses en elles-mêmes ne puissent rien sur nous, cependant, par l’intermédiaire des images ou représentations (φαντασίαι) qu’elles nous envoient, elles n’ont que trop de puissance. Ces représentations entraînent, ravissent avec elles notre volonté (συναρπάζουσι). Là est le mal, là est l’esclavage.

Heureusement ce mal et cet esclavage sont tout intérieurs ; ils portent leur remède avec eux-mêmes. Ce qui fait la puissance des représentations sensibles, c’est la valeur que nous leur accordons, le consentement que nous leur donnons (συγκατάθεσις) ; rejetons-les, et elles ne pourront plus rien sur nous. À chaque imagination, à chaque apparence qui se présente, disons donc : « Tu es apparence, nullement l’objet que tu parais être[1] ; » aussitôt elle deviendra impuissante à nous émouvoir et à nous entraver. « Ce qui trouble les hommes, ce ne sont point les choses, mais leurs jugements sur les choses[2]. »

Ici apparaît un des côtés les plus originaux de la doctrine stoïcienne : les objets extérieurs sont par eux-mêmes complètement indifférents ; dans notre volonté réside essentiellement le bien, dans

  1. Manuel, I, 5. — Gell. noct. att., XIX, i.
  2. Ib., v.