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XXI
SUR LA PHILOSOPHIE D'ÉPICTÈTE.

Platon, « c’est toujours malgré elle qu’une âme est sevrée de la vérité[1]. »

Outre l’absence de toute haine et de tout ressentiment, le sage connaîtra-t-il encore l’amour véritable, qui consiste, non plus à se mettre à part et au-dessus des autres, mais à se donner aux autres ?

Il est deux aspects sous lesquels se présente l’amour d’autrui : on peut le concevoir comme une union soit des volontés, soit des intelligences. C’est sous cette seconde forme que les stoïciens, après les platoniciens, ont conçu l’amour. S’aimer, selon eux, c’est être en conformité d’idées, c’est penser de la même manière (ὁμονοεῖν) : amour rationnel plutôt que volontaire ; en m’attachant ainsi à la raison des autres, à ce qu’ils conçoivent plutôt qu’à ce qu’ils veulent et font, je m’attache précisément à ce qui en eux est impersonnel, à ce qui proprement n’est pas eux.

De cette conception d’un amour impersonnel découlent les conséquences pratiques qu’on a si souvent reprochées aux stoïciens, sans en pénétrer toujours le véritable principe : — Il ne faut point s’inquiéter ni se troubler de ce qui arrive à ceux que nous aimons ; il ne faut point s’affliger s’ils

  1. Entretiens, I, xxviii ; II, xvi ; II, xxii.