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XLV
SUR LA PHILOSOPHIE D'ÉPICTÈTE.

veut vaincre ; il faut chercher à s’élever au-dessus de lui. Loin de là, les stoïciens finissent par abaisser la volonté vers les choses en la rendant passive comme les choses mêmes : — Abandonne-toi aux événements, disent-ils à l’homme ; résigne-toi. S’abandonner à la nécessité éternelle, se dévouer à la nature, c’est sans doute une grande et belle chose ; mais il manque à ce dévouement suprême ce qui fait, en définitive, la valeur de tout dévouement : il est sans but, il n’avance à rien. Nous ne pouvons rien au dehors de nous, incapables d’aider l’œuvre de la nature, qui se serait accomplie forcément avec ou sans notre volonté :

Volentem fata ducunt, nolentem trahunt.

Dans les deux cas, que l’homme soit conduit ou entraîné, il ne fait point un pas de plus ; il se perd et s’anéantit également dans la nature. Les stoïciens ne voient pas que se résigner ainsi, c’est en définitive céder, c’est se soumettre et déclarer

    paraison d’Empédocle reprise par Horace, doit se façonner lui-même en une sphère toute ronde et polie sur laquelle nulle aspérité ne peut donner prise :

    … et in seipso totus teres atque rotundus
    Externi ne quid valeat per læve morari.

    Sat., ii, 7. Cf. Marc-Aurèle, XII, iii ; VIII, xlviii ; XI xii. — L’âme vraiment libre ressemble-t-elle donc à cette sphère solitaire roulant dans le vide ?