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que tu dois renoncer entièrement à certaines choses, que tu dois t’abstenir pour le moment de certaines autres. Si, en effet, désirant ces biens, tu cherches de plus le pouvoir et la richesse, tu risques de manquer ces derniers avantages pour vouloir poursuivre aussi les premiers, et à coup sûr tu perdras complètement ceux-là seuls qui pouvaient te donner la liberté et le bonheur.

5. Ainsi donc à toute apparence de malheur, aie soin de dire : « Tu n’es qu’apparence, tu n’es point du tout ce que tu apparais. » Ensuite, examine-la bien, et, pour la juger, sers-toi des règles dont tu disposes, de cette première règle surtout qui te prescrit de demander : « Cette chose est-elle ou n’est-elle pas de celles qui dépendent de nous ? » Si elle est de celles qui ne dépendent pas de nous, dis-toi bien vite : « Cela ne me touche point. »

II.

1. Souviens-toi que la fin du désir est de posséder l’objet du désir, comme la fin de l’aversion est d’éviter l’objet de l’aversion ; et comme celui-là est malheureux qui est privé de ce qu’il souhaite, celui-là aussi est misérable qui tombe dans ce qu’il voulait éviter. Si donc tu ne veux détourner de toi que des choses qui dépendent de toi, tu éviteras toujours l’objet de ton aversion ; mais si tu veux détourner de toi la maladie, la mort, la pauvreté, tu seras misérable.

2. Laisse donc là ton aversion pour ce qui ne dépend pas de toi. Reporte-la sur des choses qui, dépendant de toi, sont contraires à la nature. Mais, pour le moment, renonce à toute espèce de désir : car si tu en éprouves pour des choses qui ne dépendent pas de toi, tu es forcément malheureux. Quant aux choses qu’il peut être beau de désirer parmi celles qui dépendent de nous, tu n’es encore prêt pour aucune d’elles 1. Contente-toi de rechercher ce que tu dois rechercher, de fuir ce que tu dois fuir, mais toujours avec modération, uvec discrétion, avec retenue,