Page:Marais - La Maison Pascal.djvu/208

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— Vous êtes l’Ange des foyers.

Camille eut un geste de dépit ; ses prunelles tendres se foncèrent d’une teinte orageuse.

Lily jugea opportun de redevenir sérieuse.

Camille lui plaisait particulièrement ce jour-là. Ses joues pâles se fondaient, s’affinaient, claires et transparentes comme une cire modelée aux coups de pouce du bon sculpteur ; une fossette amusante se creusait juste au centre de son menton : Lily aurait juré que cette fossette n’y était pas la veille. Elle sentait un chatouillement voluptueux courir le long de sa nuque — rien qu’à considérer les lèvres rouges et charnues, duvetées de blondeur, de son amoureux. Il est des instants où tout notre être physique s’élance violemment, impérieusement, vers un autre être : l’esprit, le cœur n’y sont pour rien ; l’irrésistible attraction est rarement durable. Et pourtant, de cette fièvre fugace dépendent les catastrophes de notre existence : c’est la minute dangereuse où la femme s’engage pour toujours à celui qu’elle n’aimera plus demain ; où l’homme livre ses secrets précieux à l’amante