Page:Marais - La Nièce de l'oncle Sam (Les Annales politiques et littéraires, en feuilleton, 4 août au 6 octobre), 1918.djvu/53

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Et, toute confiante, Laurence lui conta ses peines comme à un gentil camarade hors d’état de pouvoir l’aider matériellement. Elle conclut :

— J’ai encore de quoi faire marcher la maison une quinzaine de jours… Après, ce sera l’inconnu, l’angoisse du dénuement : vous concevez mon inquiétude !

Et elle eut cet aveu qui trahissait une totale abstraction de soi-même :

— Car, enfin, maman va bien vivre plus de quinze jours, je pense ! Je ne peux pas la laisser manquer, pourtant, je suis forcée d’abandonner mon emploi pour la soigner.

Teddy détourna la tête. Après le temps moral de s’être composé une physionomie, il regarda franchement Laurence en déclarant avec flegme :

— En Amérique, quand un employé doit quitter son patron par cas de force majeure, celui-ci lui continue son traitement pendant un certain temps.

Crédule, Laurence n’objecta rien. Seulement, au bout d’un moment, elle murmura :

— Que l’argent est une nécessité dégradante : il avilit même notre douleur !

Soudain, Teddy partit d’un grand éclat de rire.

— Oh ! Qu’avez-vous ? interrogea Laurence surprise et légèrement choquée.

Teddy la considéra avec des yeux brillants, un peu humides, et répliqua :

— Excusez-moi… Je pensais à cette stupide Bessie et aux idées qu’elle se faisait de la Parisienne du temps de guerre.

Et il prit brusquement congé.