Page:Marais - La Nièce de l'oncle Sam (Les Annales politiques et littéraires, en feuilleton, 4 août au 6 octobre), 1918.djvu/54

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Ce jour-là, les vendeuses de Litynski, — tailleur pour dames exclusivement — eurent la surprise de voir entrer à l’intérieur du magasin un jeune militaire américain qui parut d’ailleurs apprécier en connaisseur les modèles de costumes exposés dans les salons.

Puis, comme les demoiselles se poussaient du coude en contenant leurs rires étouffés, il prit un air rogue pour demander :

— Monsieur Liti-inscki !

Le tailleur s’approcha, intrigué :

— Qu’y a-t-il pour votre service, monsieur ?

Teddy Arnott débita tout d’un trait, sans se soucier des curieux qui l’écoutaient :

— Monsieur, je viens vous parler de Mlle  d’Hersac, parce que je m’intéresse beaucoup à elle, vous savez… Je ne suis pas fâché qu’elle ne soit plus caissière chez vous, mais je regrette qu’elle ait perdu ses émoluments… Il y a moyen d’arranger cela ?

Devant l’hilarité sournoise de son personnel, M. Litynski jugea bon d’insinuer :

— Si nous passions dans mon bureau, monsieur… Nous serons mieux pour causer.

— All right !

Sitôt qu’ils furent installés, le tailleur s’empressa d’affirmer :

— Je ne sais ce que vous pouvez avoir à me dire à ce sujet, d’ailleurs… Laurence a quitté brusquement et volontairement ma maison ; la cause de son départ est trop motivée pour que je lui en veuille… Garantissez-lui, si c’est cela qui l’inquiète, qu’elle retrouvera sa place chez moi dès qu’elle sera disposée à reprendre son emploi.

— Je désire qu’elle continue de toucher ses appointements.

Le tailleur bondit :

— Mais, monsieur, c’est inadmissible !… Pour une absence de quelques jours, je ne dis pas… Ce n’est point le cas ici : la maladie de sa mère peut se prolonger sans qu’on en