Page:Marais - La Nièce de l'oncle Sam (Les Annales politiques et littéraires, en feuilleton, 4 août au 6 octobre), 1918.djvu/69

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réalité, il était entendu entre les deux jeunes gens qu’ils s’égareraient jusqu’à T… L’aviateur s’efforçait donc d’en suivre la route aérienne. Pour atteindre T… par la voie la plus directe, il fallait survoler un moment les lignes ennemies, le front allemand formant à cet endroit un triangle scalène en arrière duquel T… se posait, comme un point sur l’extrémité du plus grand côté. L’aviateur avait prévenu Teddy qu’ils auraient à essuyer le feu des Boches. Teddy s’apprêta à cette nouvelle épreuve. Elle lui parut insignifiante. À la hauteur où ils volaient, ils se trouvaient hors de portée. Des tranchées allemandes, les projectiles fusaient, impuissants ; et Teddy, penché curieusement, regardait sans effroi ces flocons de fumée qui s’épanouissaient au-dessous d’eux. Une seule fois, un coup mieux dirigé, fit osciller violemment l’appareil sans le toucher, simplement par la masse d’air déplacé. Teddy fut en proie à un affreux vertige ; il ferma les yeux, avec le besoin de se cramponner et l’impression qu’il tournait sur lui-même emporté par une rotation diabolique. Cette pensée surnagea son désarroi : « Nous allons tomber ! » et il s’abandonna au renoncement forcé, devant l’inévitable. Ce fut une fausse alerte.

Lorsqu’il reprit conscience, il songea :