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Page:Marais - La Nièce de l'oncle Sam (Les Annales politiques et littéraires, en feuilleton, 4 août au 6 octobre), 1918.djvu/7

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Annie Turner d’un ton moqueur. Jack va devenir fat !

— Pas le moins du monde, répliqua le docteur Warton. Je n’ai jamais admis que la jalousie fut une manifestation de l’amour.

Il plaisanta flegmatiquement :

— La jalousie est une fièvre maligne à accès intermittents. Une personne, jusqu’à ce moment bien portante, se sent tout à coup prise de malaise à la vue d’un être aimé. Un geste, un mot, un regard la plongent dans une agitation fébrile. L’instinct de propriété prend chez elle une importance morbide. Elle se forge des griefs contre celui qu’elle a le plus de raison de chérir. Symptômes de délire ; pour un sourire qui s’adresse à d’autres, elle éprouve une sensation de froid, d’angoisse, des frissons… La gravité des accès varie suivant le tempérament de chaque individu ; mais la jalousie n’est qu’une maladie, et non point un sentiment.

Il ajouta, d’un ton sérieux :

— Le véritable amour, au contraire, n’est-il pas le résultat d’une confiance réciproque ?

Bessie déclara drôlement :

— Ma confiance ne résiste pas à une distance de plusieurs jours de mer !

— Pensez-vous que ce soit pour mon agrément que je me condamne à cet exil ?

— Vous n’étiez pas forcé de partir, reprocha la jeune fille.

— Non… et pourtant, si… Nous vivons dans un temps où chacun, malgré soi, obéit à la force inconsciente du devoir individuel.

Bessie hocha la tête :

— Oh ! Votre devoir, votre devoir… Il pouvait s’exercer à New-York.

— On m’a sollicité, je n’ai pas cru avoir le droit de me dérober.