Page:Marais - La Nièce de l'oncle Sam (Les Annales politiques et littéraires, en feuilleton, 4 août au 6 octobre), 1918.djvu/79

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train et ferait serment de se comporter dorénavant avec une correction exemplaire.

Bessie, qui sentait que, cette fois, sa fantaisie l’avait poussée un peu loin, promit tout ce qu’il voulut et commença même de tenir.

Entre deux bombardements, elle accompagna le colonel à T… s’enquit d’un magasin de confection, en découvrit dont les marchandises étaient entassées dans les caves, et s’y choisit tant bien que mal des vêtements d’un chic douteux. Lorsqu’elle se vit habillée d’un tailleur dont la jupe avait accaparé l’étoffe à son profit, car, si son ampleur péchait par exagération, en revanche la jaquette s’avérait trop étriquée, l’élégante Bessie soupira : « Combien je regrette le magasin de M. Litynski ! »

Et le colonel Blakeney qui était parti avec un jeune soldat, son neveu, ramena de T… une jeune personne qui fut sa nièce. Ces événements, discrètement accomplis, provoquèrent le minimum de commentaires ; chacun affectant d’ignorer la vérité connue de tous ; les secrets de Polichinelle ne se disent qu’à l’oreille, quand la discipline ordonne de ne rien entendre.

Bessie se tint fort bien ; à tout moment, elle répétait à son oncle d’un air de sagesse appliquée : « I am good ! » comme les enfants qui éprouvent le besoin de recevoir des compliments peur leur bonne conduite inusitée.

Aujourd’hui, Bessie avait honte d’avoir joué avec le costume militaire en découvrant la gravité des devoirs qu’implique l’uniforme. Elle se trouvait dans l’un des secteurs les plus éprouvés. Le spectacle lugubre de T… la ville martyre, l’avait cruellement impressionnée avec ses maisons en ruines, ses trous d’obus, les plaies béantes de ses murail-