Page:Marais - La Nièce de l'oncle Sam (Les Annales politiques et littéraires, en feuilleton, 4 août au 6 octobre), 1918.djvu/83

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autant qu’il mérite d’être aimé… car, en vérité, c’est un homme remarquable qui possède toutes les qualités — physiques et morales… Des capacités de premier ordre dans la plus noble des professions… Je sens sa supériorité et j’en éprouve le respect. Quant à lui, je m’étonne que ma frivolité l’ait attiré : je ne suis pas la compagne rêvée… Mais son cœur est en mon pouvoir et c’est heureux, car je lui suis trop profondément attachée peur supporter l’idée qu’il pût ne pas m’aimer.

La jeune fille interrompit sa profession de foi en constatant l’effet qu’elle produisait sur son compagnon : la physionomie de François était parlante.

Bessie réfléchit : « Ce n’est pas ma faute… Je n’ai pas été coquette. Mais il est difficile qu’un jeune homme reçoive des marques d’intérêt de la part d’une jeune fille… pas laide… sans que cela aboutisse de cette façon… Sa sœur m’avait touchée par ses larmes… J’ai voulu payer un peu d’amitié : on me rend de la monnaie d’amour. »

Pour opérer une diversion, elle l’emmena au cantonnement regarder la file de soldats américains qui s’alignaient, formant la queue à l’heure de la soupe, les pieds encore boueux d’avoir fait l’exercice tout un jour de pluie dans la terre détrempée des champs.

Un à un, ils défilaient devant le cuisinier, tendaient gravement leur gamelle, tout en continuant de chanter ou de siffler, sans qu’un muscle de leur visage bougeât, grands enfants sérieux et puérils.

François d’Hersac, qui poursuivait son idée, remarquait avec envie la force et la robustesse de ces jeunes guerriers : rares étaient ceux qu’une tare physique disgraciait.