Page:Marais - La Nièce de l'oncle Sam (Les Annales politiques et littéraires, en feuilleton, 4 août au 6 octobre), 1918.djvu/82

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contre les affres de l’isolement, il se disait : « Non. Je l’aime mieux ainsi très femme — tendre et charitable, dans son véritable rôle. »

Soudain, Bessie, désireuse de l’encourager, se mit à lui faire l’éloge du docteur Warton :

— Espérez… Qui sait si ce retard qui vous navre n’est pas dû à une Providence qui diffère votre départ afin que vous ayez la joie de retrouver votre malade hors de danger ?… Songez que Jack la soigne… Et Jack est un savant extraordinaire déjà célèbre aux États-Unis par sa science et ses découvertes… Il est capable de ressusciter un mort ; et votre chère mère n’en est pas là, Dieu merci !… Vous le verrez, quand nous retournerons ensemble à Paris.

Ses yeux brillaient, ses lèvres fines tremblaient légèrement, et sa voix plus rapide avait des inflexions émues, nerveuses, chaque fois qu’elle prononçait le nom de son fiancé.

François se sentit affligé par ses paroles ; il eut l’imprudence d’analyser cette impression de malaise indéfinissable et, tout à coup, il s’avoua avec honte : « Au lieu de me réjouir à l’espoir d’une guérison possible, je suis furieux de son admiration pour ce médecin… Suis-je un fils dénaturé ?… Je pense moins à ma mère, à cause de cette nouvelle venue qui devrait m’être indifférente. »

Le pauvre garçon n’osait pas se découvrir une excuse dans cette existence de cénobite endurée depuis quatre mois qu’il n’avait respiré un parfum de femme, ni frôlé d’autre robe que le tablier bleu des vieilles paysannes lorraines. La première Bessie rencontrée devait logiquement lui tourner la tête.

Malgré lui, il questionna brusquement :

— Vous l’aimez beaucoup, Jack Warton ? Bessie répondit avec feu :

— Je l’aime passionnément… c’est-à-dire