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Page:Marais - La Nièce de l'oncle Sam (Les Annales politiques et littéraires, en feuilleton, 4 août au 6 octobre), 1918.djvu/96

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Une impatience ardente l’enfièvre et, dans le même temps, il lui semble que toutes ses forces l’abandonnent : c’est la réaction ; les nerfs se détendent.

Au seuil de la porte, elle contemple intensément le chirurgien qui tourne les robinets du lavabo et, posément, se lave les mains dans une solution au permanganate.

lit en Y où gisait le corps de sa mère ; et, au milieu de ce décor où flotte une vague odeur de chloroforme et de désinfectants, cet homme tranquille, cet homme modeste qui fait des gestes simples, en manches de chemise, en tablier blanc, tel un gentleman procède à ses ablutions quotidiennes, — sans que rien puisse révéler qu’il est l’élu du Créateur, puisqu’il vient de pétrir le limon d’une ressuscitée…

Elle voudrait se prosterner à ses genoux.

Jack aperçoit la jeune fille ; la froideur indispensable qu’il s’imposait pendant l’opération, afin de conserver sa présence d’esprit, se fond à présent dans un bon sourire où se révèlent sa pitié et son émotion contenue.

Laurence joint les mains, pleine d’extase et de reconnaissance. Hors d’elle, elle crie d’une faible voix chevrotante :

— Tu l’as sauvée !

Et elle ne peut ajouter d’autres paroles, après ce tutoiement extraordinaire qui signifie : « Toi… le maître, le magicien, l’homme unique au monde qui a su refaire de la vie avec un corps agonisant. »

Le docteur Warton ne s’étonne pas : ce tutoiement inusité lui apparaît comme l’expression d’une dévotion de gratitude ; à lui, qui est d’un pays où l’on ne tutoie que Dieu. Mais