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orpheline que nulle protection ne garde !

Et machinalement, la tête basse, Claude remonte dans l’autobus qui la ramène avenue d’Antin ; — telle une bête fourbue regagne la demeure où l’attendent sa litière, sa pitance et les coups de ses maîtres.

Elle s’est assise au fond de la voiture, entre une femme en cheveux qui tient un nourrisson dans ses bras et un vieil homme à l’aspect de rond-de-cuir, dont l’haleine empeste, imprégnée d’une double odeur de mauvais cigare et de dents gâtées. Claude, incommodée, par ces émanations nauséabondes, se retourne vers sa voisine : celle-ci exhale un relent de lait suri, et son marmot mal nettoyé bave de la bouche et des narines, avec des reniflements, semblable à un petit limaçon. Claude, dégoûtée, aspire à l’automobile de Marthe où, chaque matin, Émile renouvelle les fleurs du porte-bouquet. Hélas ! d’où lui viennent ces répugnances qu’elle ignorait jadis ?

Ce contact des indigents lui est un supplice. Son odorat subtil distingue à présent cette senteur spéciale que dégagent les gens du peuple,