Page:Marais - Le Huitieme Peche.pdf/47

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paru avec celle de son père. C’est tellement pénible, sur le premier moment du désespoir, de voir des êtres respirer, se mouvoir autour de soi, alors que l’unique créature que l’on aimât est pétrifiée dans l’immobilité éternelle. Claude a le cri égoïste de la douleur : « Pourquoi faut-il que ce soit lui qui soit mort, quand les autres vivent !… Pourquoi n’est-ce pas la bonne, Halberger, n’importe qui parmi ces gens qui sont venus me consoler — me persécuter ! — depuis ce matin… Pourquoi ne suis-je pas morte à sa place ? » Elle se reproche tout de suite ce vœu : pauvre papa, c’eût été lui qui aurait eu du chagrin… Et Claude s’abandonne avec une âpre volupté à ces larmes affaiblissantes qui semblent la vider de ses forces, comme si c’était son sang même qui coulât peu à peu de ses paupières enflammées…

— Mange… ça me fera tant de plaisir !… C’est bon, vous savez.

Claude sent une chose fraîche et gluante s’écraser contre sa bouche ; surprise, elle essuie ses yeux aveuglés par une buée humide