Page:Marais - Les Trois Nuits de Don Juan.djvu/160

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

récit perpétuel de ces tribulations ancillaires.

La scène suivante se renouvelait souvent : c’était pendant un repas ; Lorderie, comme nombre d’auteurs, essayait l’effet d’un article qu’il venait d’écrire en le « parlant » devant sa femme. Denise, acceptant consciencieusement son rôle d’auditoire, écoutait son mari développer ses théories sur l’art contemporain comparé au naturalisme, ou sur la faillite des écoles littéraires. Les yeux braqués vers Jacques, s’évertuant, mais en vain à paraître attentive, la jeune femme se trémoussait, fronçait les sourcils, agitée d’un souci étranger. À la fin, n’y tenant plus, elle interrompait :

— Dis donc… Tu ne trouves pas qu’elles ont un drôle de goût ?

— Qui ça, ma chérie ?

— Les lentilles.

Jacques, interloqué, hésitait.

Sans attendre sa réponse, madame Lorderie criait :

— Je suis sûre que c’est la nouvelle cuisinière qui a jeté du carbonate de soude dans leur eau pour activer la cuisson !