Page:Marais - Les Trois Nuits de Don Juan.djvu/210

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serait une douleur moins insupportable que l’incertitude présente.

Par quelle aberration Fargeau a-t-il entrepris la séduction de Denise : il la connaît depuis dix ans et il lui fait la cour aujourd’hui seulement ? Lorderie ne comprend pas. Il pense : « À sa place, moi, je n’aurais pas pu… Il oublie donc que c’est ma femme ? » car il ne doute plus de la véracité de Francine : Fargeau est l’homme dont le caprice s’attache surtout à la maîtresse qu’il n’a point possédée encore ; et le caractère de Maxime confirme les dires de Clarel. Lorderie est consterné à l’idée que Fargeau l’aime moins que ses amours, immole avec désinvolture une camaraderie de trente ans pour assouvir sa fantaisie d’une heure. Jacques se sent jaloux de cet ami qui est si passionnément amant, — lui qui se sait amant médiocre et si exclusivement ami !… Il eût sacrifié toutes ses maîtresses afin de ne pas perdre Fargeau. Il songe à peine à son malheur conjugal : ce sont ces bons souvenirs d’une loyale et tendre jeunesse, ces illusions détruites par un vilain geste, qui étranglent sa voix chevrotante, alors